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Quelques jours auparavant, le chef de la division du sud, le commandant José-Manuel Pinto, avait porté le dernier coup aux monteneros, c’est-à-dire aux montagnards voisins de l’Araucanie, qui, au nombre de deux mille hommes sous les ordres de M. Nicolas Tirapegui et soutenus par l’argent des pelucones, tentaient un dernier engagement dans le champ de Maipo. C’est là, il faut l’avouer, un épisode bien triste pour le Chili, et peu honorable pour ceux qui en ont été les instigateurs. Ces inquilinos, attachés à la glèbe, non par la loi, mais par la coutume, ignorans, aussi indifférens qu’étrangers aux notions politiques, on les a vus ameutés et lancés par bandes au nom de la moralité publique et de la religion en péril. Le déchaînement des passions bestiales, les attaques contre les personnes et les propriétés, la terreur répandue partout, en un mot la guerre faite à la société en haine du pouvoir qui la représente, voilà les tristes moyens que certains conservateurs, tant ils étaient aveuglés, n’ont pas craint d’employer pour recouvrer leur domination compromise.

Des vastes haciendas sortaient ces étranges régénérateurs, divisés par troupes sous des chefs obscurs qui étaient le plus souvent des espèces de contre-maîtres dans les métairies ; ils couraient les grands chemins, épouvantaient les populations pacifiques, rançonnaient de préférence ceux qui étaient signalés comme les partisans du pouvoir présidentiel. Peu s’en est fallu que la contagion du désordre ne se répandît parmi les Indiens de l’Arauco ; déjà même un certain nombre de ceux-ci vagabondaient à travers les campagnes, y commettant tous les excès propres aux tribus sauvages.

En résumé, depuis les derniers jours de janvier jusqu’au 29 avril, il y avait eu, dans les diverses provinces, quatorze combats, sans compter les luttes personnelles, surprises, coups de main, et autres incidens meurtriers. Les pertes résultant de ces engagemens, sans atteindre un chiffre bien élevé, étaient néanmoins cruelles pour une population peu nombreuse. Les craintes de bouleversement étant dissipées, on rendit la liberté à presque toutes les personnes détenues en vertu des pouvoirs extraordinaires que le congrès venait enfin de conférer au gouvernement. On mit en jugement les individus ouvertement compromis ; les chefs les plus exaltés de la jeune opposition furent écartés momentanément du territoire de la république. L’archevêque de Santiago manifesta le désir de faire un pèlerinage à Rome, où il est en ce moment. On pouvait croire à un apaisement complet et rapide ; mais de mauvaises passions fermentaient encore dans l’ombre. À Valparaiso notamment, il existe une corporation de portefaix pour le service de la marine marchande, composée d’environ huit cents membres, avec une caisse de secours mutuels