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Il n’y a rien là toutefois qui présage un retour fort sérieux aux principes mêmes de l’art chrétien. Malgré la sobriété relative de la manière, la Peste des Ardens n’est pas exempte encore d’une certaine ostentation de facilité, d’un certain fracas pittoresque ; le Saint Denis au contraire est d’une expression générale assez fade à force de simplicité dans l’ordonnance et de timidité dans le style. Est-il besoin de rappeler le discrédit et bientôt l’anéantissement absolu où tomba l’art religieux en France au temps de la révolution ? En 1789, Regnault pouvait encore peindre et exposer au salon la Descente de croix que possède aujourd’hui le musée du Louvre ; six ans plus tard, il se réfugiait dans la peinture des sujets anacréontiques, ou il décorait une scène allégorique de ce titre de circonstance : La liberté ou la mort. Quant à David, après avoir dans sa jeunesse sacrifié aux vieux préjugés en peignant son Saint Roch, il en était venu, on ne le sait que trop, à ne plus honorer d’autres saints que les apôtres de la terreur, d’autres martyrs que Michel Lepelletier et Marat.

Lorsque le XIXe siècle s’ouvrit, l’art chrétien, supprimé quelque temps en France par mesure de sûreté générale, avait recouvré le droit de se produire. La peinture et la sculpture pouvaient, sans compromettre personne, repeupler les églises dévastées par des mains aussi niaises que sacrilèges. Malheureusement l’attention des artistes et du public était ailleurs. Si l’esprit d’impiété systématique n’avait pas survécu au régime terroriste, en matière d’esthétique le radicalisme païen prêché depuis quelques années n’avait perdu aucun de ses docteurs ni de ses sectaires. Le culte à outrance de l’antiquité, le respect obstiné de certaines formules hors desquelles il n’y avait plus en apparence de chance de salut pour le talent, tout faisait obstacle à des entreprises où l’imitation de la statuaire ; grecque fût devenue un contre-sens, et que personne n’eût cependant osé tenter en s’aidant d’autres leçons et des souvenirs d’un autre style. Le plus sûr en pareil cas était de s’abstenir : aussi l’école que régentait David n’essaya-t-elle même pas d’appliquer à la peinture religieuse ses théories, pratiquées partout ailleurs avec une inébranlable constance. En regard des savans ouvrages inspirés au temps du consulat et de l’empire par la mythologie, l’histoire ancienne ou les événemens contemporains, on citerait difficilement un tableau de quelque mérite sur un thème sacré. Ce n’est que plus tard, à partir des premières années de la restauration, que le goût commence à se reprendre aux scènes de l’Écriture sainte. Encore ce mouvement de réaction s’opère-t-il avec une réserve telle que la différence consiste dans le choix des sujets bien plutôt que dans le fond des principes et de la méthode. Les meilleurs