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l’âge ou les formes de l’architecture, il évitait avec une égale habileté la contrefaçon archaïque et le désaccord qu’eût créé un style ouvertement moderne ou bien une imitation trop fidèle de la réalité. Transportées sur la toile, les peintures qui ornent cette chapelle manqueraient sans doute de solidité, de saillie. Le coloris paraîtrait insuffisant et l’atmosphère où se meuvent les figures conventionnelle, parce qu’un tableau devant être par lui-même un tout, une image absolue et complète, la stricte vraisemblance des objets représentés devient ici un moyen nécessaire, une loi formelle de l’exécution. Là cependant où il s’agit bien moins de faire illusion aux yeux que de les instruire par le pressentiment de la vérité poétique, dans un travail de décoration architecturale où la surface plane réservée au pinceau ne saurait simuler la profondeur ou le relief sans bouleverser l’économie des lignes voisines et les proportions mêmes de l’édifice, il est opportun, il est utile de traiter le ton et l’effet avec une extrême sobriété, et de laisser à l’état d’aperçus des faits qu’il conviendrait d’aborder ailleurs sans détours et de traduire sans réticences. Dès son premier essai de peinture monumentale, M. Flandrin avait su garder cette mesure difficile entre l’expression abstraite et l’imitation littérale. La chapelle de Saint-Jean, à Saint-Séverin, n’est pas seulement une œuvre pleine d’onction et d’attendrissement chrétien, c’est aussi un spécimen remarquable des règles pittoresques à suivre en pareil cas, et si depuis vingt ans ces règles ont été mieux respectées, si en général les artistes qui ont eu à s’acquitter de tâches analogues ont paru en étudier de plus près les conditions, il appartient à M. Flandrin d’avoir l’un des premiers donné l’exemple et d’avoir contribué autant que personne à déterminer ce progrès.

Les peintures de Saint-Séverin achevèrent de mettre en faveur un talent déjà connu et apprécié, mais que le succès n’avait récompensé jusque-là qu’avec une certaine réservé et sous la forme d’un encouragement conditionnel. En attribuant de nos jours au public le rôle dévolu dans les deux derniers siècles à l’Académie royale de peinture, on pourrait dire que les premiers tableaux de M. Flandrin avaient suffi pour lui mériter le titre d’agréé parmi les artistes d’élite, mais qu’il lui restait encore à faire ses preuves définitives, à présenter, suivant le terme consacré, son morceau de réception. Ce gage suprême d’habileté était donné maintenant et accepté par tous. À supposer même que le nouvel élu dût faiblir par la suite ou s’en tenir à ces travaux de sa jeunesse, il avait assez fait déjà pour prendre place à-côté des maîtres et pour honorer son nom.

Les années qui se sont succédé depuis lors nous ont appris que le talent de M. Flandrin ne pouvait pas plus se compromettre dans