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l’invention que les thèmes précédemment traités. À Saint-Paul de Nîmes, et même à Saint-Germain-des-Prés, des scènes différentes occupant chacune un compartiment distinct concouraient à l’unité de l’ensemble sans danger de monotonie, parce que ces fragmens, reliés entre eux par l’homogénéité du style, n’en avaient pas moins leur caractère propre, leur physionomie variée suivant la nature et le choix des sujets. À Saint-Vincent-de-Paul, point de ces divisions architecturales ni de ces compositions épisodiques. D’un côté les héroïnes, de l’autre les héros de la foi, représentés, non pas au moment de l’action, mais dans le calme de la béatitude, — près de cent cinquante personnages marchant, non pas sur plusieurs plans, mais à la suite les uns des autres et alignés sous le même niveau, — tels étaient les seuls élémens pittoresques de la tâche. Les nuances d’un sentiment unique, les dehors de la ferveur commune appropriés au caractère personnel, au rôle traditionnel ou historique de chaque bienheureux, voilà les seuls moyens d’expression dont il fût possible de disposer. Ces moyens restreints n’en ont pas moins suffi à M. Flandrin pour diversifier l’ordonnance linéaire de son travail sans en altérer la majesté, et pour donner à toutes les figures qu’il avait à peindre une signification morale aussi haute, et peut-être plus pénétrante, que les intentions formulées par lui dans des scènes ouvertement pathétiques.

Les peintures de Saint-Vincent-de-Paul mériteraient donc d’être considérées comme le chef-d’œuvre de l’artiste qui les a signées, si une entreprise plus récente et plus importante encore, — la décoration de la nef de Saint-Germain-des-Prés, — n’attestait des progrès nouveaux et, à certains égards, des ressources d’imagination imprévues. On se rappelle la distribution des travaux exécutés autrefois par M. Flandrin dans le chœur de cette même église. Deux grandes compositions en regard l’une de l’autre, — l’Entrée à Jérusalem et Jésus-Christ portant sa croix, — résument l’histoire de la passion dans le fait qui en est pour ainsi dire la préface et dans le sacrifice suprême qui la conclut. Au-dessus de ces deux compositions s’étagent quelques saints personnages, quelques figures allégoriques encadrées chacune dans des compartimens d’architecture, tandis qu’à l’intérieur du chœur les figures des apôtres, uniformément vêtus de blanc, se dressent au milieu d’ornemens dont le vif coloris, tempéré toutefois par l’éclat des verrières, soutient et complète l’effet produit par les fonds d’or sur lesquels se dessinent les sujets principaux. Pour laisser à cette partie du monument un caractère frappant de prédominance, pour recommander tout d’abord aux yeux le lieu privilégié où Dieu se livre à l’adoration des fidèles, il fallait s’imposer comme premier devoir une parcimonie relative,