Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/920

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui font la communication entre la capitale et les principales villes du royaume, sont assez bien entretenues ; quelques-unes même peuvent être regardées comme supérieures à la plupart de nos routes à barrières ; mais ce que l’on appelle chemins de traverse c’est-à-dire la presque totalité des chemins du pays, sont absolument négligés et impraticables. Le ministre orgueilleux d’une cour fastueuse se plaira à faire exécuter un ouvrage magnifique qui soutiendra son crédit à la cour ; mais ordonner beaucoup de ces petits travaux qui n’attirent pas les regards et qui n’ont de recommandable que leur extrême utilité, c’est une chose trop mesquine et trop misérable pour fixer l’attention d’un magistrat de cette importance. » L’institution des routes départementales et la loi de 1836 sur les chemins vicinaux ont répondu en partie à cette critique ; mais il s’en, faut de beaucoup que le mal signalé ait tout à fait disparu, et plusieurs pays de l’Europe qui n’ont pas subi la même concentration administrative sont en avance sur nous pour leurs communications.

À ce propos, Smith se jette dans une de ses digressions habituelles sur les compagnies privilégiées en général, et sur la compagnie des Indes en particulier. Cette dissertation était d’un intérêt tout anglais avant l’établissement en France de grandes compagnies du même genre pour la banque, les chemins de fer, le crédit mobilier, etc. Avec sa modération ordinaire, il ne se montre pas opposé au principe du monopole comme moyen d’encourager à son début une entreprise coûteuse et incertaine dont le public doit profiter, et il assimile le privilège accordé en pareil cas à celui des inventeurs ; mais il a soin d’établir en même temps que ce privilège doit être temporaire et rigoureusement limité à la plus courte durée possible. On avait suivi ses préceptes dans les concessions de chemins de fer faites en France avant 1848, puisqu’on les avait limitées pour la plupart à cinquante années ; on en a doublé depuis la durée, et on a même admis bien d’autres exceptions aux prescriptions de l’auteur des Recherches.

Ses idées sur l’instruction publique et sur le culte s’éloignent tout à fait de nos habitudes. Non-seulement, suivant lui, l’enseignement ne doit pas être donné par l’état, mais il se montre peu favorable à l’existence d’universités indépendantes et riches, comme celles d’Oxford et de Cambridge. Tout professeur dont le traitement est assuré, quel que soit le nombre de ses élèves, lui paraît naturellement disposé à remplir son devoir avec négligence. Ceux même qui s’acquittent avec conscience de leurs fonctions n’ont aucun intérêt à enseigner des choses vraiment utiles, vraiment appropriées aux besoins de la société ; ils ne peuvent être avertis par personne, quand ils font perdre le temps de leurs élèves en études surannées, inutiles ou même