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celle qui supporte le mieux la lecture est, à mon avis, Un Petit-Fils de Mascarille, de M. Henri Meilhac. Il y a beaucoup de soin, de recherche littéraire, d’inquiétude de l’art sérieux dans cette piquante comédie. Le titre n’est point trompeur : le héros est bien un petit-neveu de Mascarille, et les personnages qui l’entourent sont bien les anciennes dupes et les anciens compagnons de l’illustre grand-père. On n’a pas assez remarqué, selon moi, le dessein un peu artificiel, mais très ingénieux, de l’auteur, dessein trop subtil pour ne pas échapper à la représentation, mais qui se découvre aisément à la lecture. L’auteur a voulu opérer une sorte de fusion entre l’ancienne comédie et la nouvelle, transporter dans la vie moderne les personnages des vieux comiques de manière à montrer les modifications que le temps, les accidens politiques, les nouveaux intérêts, leur ont fait subir. Les personnages sont pour ainsi dire de deux époques ; ils portent un demi-masque, pour indiquer qu’ils se rattachent à l’ancienne comédie ; ils sont vêtus de l’habit noir moderne, pour indiquer qu’ils sont pris dans la réalité contemporaine. Cette pièce trahit encore une étude attentive, trop attentive peut-être, du dialogue et du style de Molière, lesquels, pour le dire en passant, préoccupent beaucoup plus qu’il ne faudrait quelques-uns de nos jeunes auteurs dramatiques.

J’espère ne pas trop étonner M. Léon Laya en lui disant que sa pièce ne m’a pas fait éprouver à la lecture le même plaisir qu’à la représentation. J’ai relu avec la froideur la plus impassible les scènes qui m’avaient le plus touché. Que voulez-vous ? Got n’était plus là. Que M. Laya ne s’imagine pas que je veuille refuser à sa pièce la justice qui lui est due. Il y a d’excellentes parties dans le Duc Job, et bien des détails heureux qui se détachent comme de brillantes broderies sur un fond un peu terne. La déclaration brusque, spontanée, imprévue, du jeune duc à sa cousine est d’une aimable invention. Dans le dialogue entre Achille David, qui veut pousser jusqu’aux dernières limites de la logique les leçons de conduite pratique qu’il a reçues, et son père, qui veut l’arrêter sur cette pente, l’auteur a très habilement développé une idée qui se trouvait en germe dans une scène des Faux Bonshommes, la querelle de M. Dufouré avec son estimable rejeton. Cette pièce, dont nous louerons volontiers l’enseignement moral et les honnêtes sentimens, est plutôt remarquable par ce qu’elle indique que par ce qu’elle exprime. L’auteur n’a su tirer parti ni des situations très nouvelles, ni des personnages qu’il avait trouvés. Il y a dans cette comédie quantité de germes heureux qui ne demandaient qu’à s’épanouir ; Quel personnage intéressant à étudier et à mettre en scène que celui d’Achille David, qui, né avec une nature fine et un cœur aimant, se déprave progressivement au