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à tenir la première place dans les préoccupations de l’Angleterre. La question de la réforme électorale est loin de faire contre-poids à l’agitation des volontaires. M. Bright a l’air de s’en apercevoir, car il a annoncé, dans la dernière réunion de l’association réformiste de Londres, une résolution qui, venant de lui, paraît modeste : il votera pour le bill que doit présenter lord John Russell, quoique ce bill, dont lord John avait fait connaître les principales données avant les dernières élections, demeure bien en-deçà du programme de l’éloquent agitateur.

Résolus à ajourner jusqu’à la réunion du congrès la discussion des questions italiennes, nous ne dirons rien non plus de la croisade qui se prêche en ce moment dans la plupart des pays catholiques en faveur de l’intégrité du pouvoir temporel du pape, et qui nulle part n’est plus bruyante qu’en Irlande. Nous avons remarqué pourtant, parmi les harangues des meetings monstres d’Irlande, le curieux discours d’un évêque dont le nom nous échappe, marqué de contradictions éloquentes qui n’étaient pas faites pour nous déplaire. Ce prélat, vieil ami d’O’Connell, regarde avec raison comme dégénérés ceux de ses coreligionnaires qui ne savent pas apprécier ces libertés de la presse et des associations, et ce régime des parlemens libres dont l’Irlande jouit jusqu’à l’abus. Il se promettait bien, quant à lui, de renverser de leurs sièges aux prochaines élections ceux des membres irlandais qui ne voteraient pas contre lord Palmerston dans le cas où le noble lord laisserait démembrer l’état pontifical. Le même évêque racontait pourtant avec une verve toute pittoresque qu’il était en Italie pendant la dernière guerre, qu’entendant le canon d’un champ de bataille, il avait fait des vœux pour le succès de l’armée sarde, et qu’en contemplant les beautés des lacs de l’Italie supérieure, il s’écriait : « Pourquoi les Autrichiens resteraient-ils ici ? pourquoi l’Italie n’appartiendrait-elle pas aux Italiens ? » On pourrait s’entendre avec un pareil évêque. Si en effet il n’y avait plus que des Italiens en Italie, les plus grandes difficultés de la papauté ne seraient-elles pas conjurées ? Le pape n’aurait plus le poids de ces alliances et de ces interventions étrangères qui ont surtout dépopularisé son gouvernement temporel, et l’Italie elle-même, la spirituelle et ambitieuse Italie, qui a tant contribué à la construction de cet édifice de la papauté, signe de sa prééminence religieuse, serait bien capable de s’arranger encore avec son pape. Mais n’anticipons pas sur le congrès. Maintenant que les adhésions des puissances sont connues, il n’est plus guère permis que de s’enquérir des noms des plénipotentiaires choisis par elles. La présence du cardinal Antonelli à Paris aurait excité un vif intérêt de curiosité ; mais aurons-nous le cardinal ? C’est douteux. Nous ne voulons pas douter du moins que la Sardaigne ne soit représentée au congrès par M. de Cavour. Si les objections qui se sont quelque temps, dit-on, opposées à la désignation de M. de Cavour étaient venues de la Sardaigne, elles auraient été une ingratitude ; si elles étaient venues d’une autre puissance, elles eussent été une faute. Dans la diplomatie, M. de Cavour est l’homme de l’Italie émancipée, émue, attendant une vie nouvelle, que nous ont faite les événemens de cette année. Sans M. de Cavour, le congrès n’eût pas été le congrès pour l’Italie, car elle ne s’y serait pas crue représentée. Or l’on conviendra que s’il est un pays