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Cette arme, telle qu’elle est aujourd’hui constituée en France, comprend la grosse cavalerie, les cuirassiers, qui, depuis 1815 et l’immortelle charge de Waterloo, n’ont jamais donné dans une occasion mémorable ; — la cavalerie de ligne (dragons et lanciers), qui s’est illustrée à Eupatoria ; — la cavalerie légère, hussards et chasseurs, troupe brillante qu’on a trop négligée dans certaines expéditions d’Afrique, comme on cherche à le prouver dans ces souvenirs.


I

Quand douze escadrons de chasseurs et de hussards s’embarquèrent pour l’Algérie au commencement du mois de décembre 1839, ils étaient appelés à soutenir en regard des chasseurs d’Afrique et des spahis l’honneur de la cavalerie française sur un terrain nouveau pour elle. Quel spectacle présentait alors notre colonie ? On se retrouvait en pleine lutte après une courte période de paix ; les expéditions allaient se succéder, toutes diverses de caractère et d’aspect, mais la plupart faisant briller notre infanterie par-dessus tous les autres corps de l’armée. On a un peu oublié tout cela, et il n’est pas inutile de rappeler en quelques mots au milieu de quels événemens nous allions entrer en campagne.

Le traité de la Tafna était rompu. L’expédition des Portes-de-Fer, traitée par l’opposition d’alors de voyage pittoresque, avait fourni à l’émir Abd-el-Kader un prétexte d’hostilité qu’il s’était empressé de saisir. « Tenez-vous pour averti, avait-il écrit au maréchal Valée le 18 novembre 1839, je suis décidé à la guerre, ainsi que tous les croyans. » Cette lettre était postérieure de quelques jours à peine à un assassinat commis sur un de nos braves officiers, qui avait sous ses ordres la colonne placée au camp de l’Oued-Laleg. Le commandant Raffet était tombé dans un affreux guet-apens, et sa tête avait été portée aux pieds de l’émir par un des officiers mêmes d’Abd-el-Kader, le lieutenant Béchir. Le maréchal Valée, qui venait de gagner le bâton de commandement sur la brèche de Constantine, avait juré aussitôt de venger l’affront fait à la France. La guerre était déclarée.

Le 20 novembre 1839, Abd-el-Kader passait la Chiffa. Ce même jour, les deux convois de Mered et de l’Oued-Laleg, sortis de Bouffarik, éprouvaient un affreux échec. Le premier était ramené, le second