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avait tiré avec furie et sans interruption du côté de l’ancienne brèche, entre le couvent de l’Observance et la porte d’Aix. Le 24 septembre, après avoir essuyé plus de huit cents coups de canon[1], le rempart avait été abattu sur une étendue de cinquante pieds vers le haut, mais de beaucoup moins vers le bas. Dix hommes de front pouvaient pénétrer par cette large ouverture et se précipiter dans la ville. Bourbon, l’ayant trouvée plus que suffisante, fit taire ses canons et mit son armée en bataille pour monter à l’assaut. Les Marseillais étaient prêts à la bien recevoir. Ils occupaient en bon ordre les fortes positions et les ouvrages défensifs qui s’élevaient aux abords et sur les derrières de la brèche. Près de six mille soldats de toutes armes avaient été distribués dans ces divers postes. Les arquebusiers et les escopettiers, du fond des tranchées et du haut des bastions, devaient par leurs décharges jeter le désordre parmi les assaillans, tandis que les piquiers et les hommes d’armes, tout resplendissans sous leur armure impénétrable, devaient les repousser avec le tranchant des hallebardes et la pointe des lances, si le feu ne les arrêtait pas. Le fossé profond qui avait été creusé entre la brèche et la ville était rempli de poudre, de matières inflammables, de machines à explosion, et le bord intérieur de ce fossé était flanqué d’un rempart large et haut, aussi aisé à défendre que rude à escalader. Outre les nombreuses troupes de la garnison, les habitans de Marseille en armes gardaient les ouvertures des rues barricadées et en occupaient les principales places[2].

C’est contre cette ville précédée de tranchées qu’il fallait franchir, couverte d’ouvrages qu’il fallait enlever, hérissée de défenseurs qu’il fallait vaincre, que s’avança hardiment le duc de Bourbon avec les impériaux, moins résolus que lui. Le feu qu’ils essuyèrent à leur approche les arrêta. Ayant su que derrière la brèche étaient des fossés remplis de poudre, de résine, de pétards, de pointes de fer, et par-delà les fossés un nouveau rempart, ils ne voulurent pas poursuivre l’attaque. L’armée tout entière recula devant le danger d’un assaut qui serait aussi sanglant, et qu’on jugeait devoir être

  1. « Et tant tirèrent les ennemys que la bresche nouvelle fut par le dessus large de douze cannes (soixante-douze pieds). » Histoire mémorable, etc., d’après Thierri de l’Estoile. — Valbelle, dans le Journal du Siège, la fait moins grande. Il dit qu’après huit cent dix-sept coups comptés tirés contre le rempart, les canons ennemis « y feron une brèche de 6 canos et la vieilho bercho que podia estre de 2 canos que ero en tot 8 canos » à la date du 24 septembre. — Un Espagnol qui servait dans le camp de Bourbon, Juan de Oznayo, dit dans sa Relation, publiée au t. IX de la Coleccion de documentas ineditos para la historia de España, que la brèche était moins grande, et d’un accès malaisé, t. IX, p. 418.
  2. D’après le Journal du Siège, etc., par Valbelle, l’Histoire mémorable, etc., et la Relation de Juan de Oznayo, t. IX, p. 418-419.