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confia cette mission au dataire Giovan Mattheo Giberto, qui, très favorable à François Ier, avait contribué à le détacher lui-même de Charles-Quint. Giberto possédait depuis longtemps toute la confiance de Clément VII et avait beaucoup de pouvoir sur son esprit. Il se rendit d’abord à Soncino, où se trouvait le vice-roi de Naples, un peu au-delà de l’Adda, dans la Lombardie vénitienne. Le vice-roi s’y occupait à refaire, tout près de Lodi, l’armée de l’empereur ; il avait instamment pressé le souverain pontife de fournir le contingent auquel le saint-siège était tenu pour la défense de l’Italie. Le dataire Giberto et le Florentin P. Vettori, envoyés peu de temps après au vice-roi par Clément VII, dirent à Lannoy que le pape, en sa qualité de pasteur suprême, devait s’employer à remettre d’accord les monarques chrétiens. Ils ajoutèrent que Clément VII, comme prince italien, redoutait la puissance du roi de France, dont l’armée, s’il se déclarait contre lui après avoir occupé le Milanais, que l’empereur n’était plus en état de lui disputer, renverserait sans peine les Médicis dans Florence et pénétrerait même sans obstacle sur le territoire de l’église. Ils prétendirent que le devoir et l’intérêt du souverain pontife l’obligeaient dès lors à procurer la paix entre l’empereur et le roi, que cette paix était d’ailleurs nécessaire à l’empereur, car elle sauverait le royaume de Naples de l’invasion qui le menaçait. Ils soutinrent que, François Ier ne voulant pas renoncer au Milanais et se trouvant assez fort pour en devenir à jamais le maître, il fallait prévoir ce résultat inévitable et le rendre le moins nuisible à l’Italie et le moins désavantageux à l’empereur, en obtenant que le Milanais fût détaché de la France sous un des fils puînés du roi à qui l’empereur en donnerait l’investiture, et qui y régnerait avec indépendance et en prince italien. Ils demandèrent donc que l’état de Milan fût laissé en dépôt au souverain pontife, que les impériaux évacuassent la citadelle de Milan et la forteresse de Pizzighitone, ainsi que les villes d’Alexandrie, de Como, de Pavie, de Lodi, de Crémone, et se retirassent dans le royaume de Naples, tandis que les troupes françaises repasseraient les Alpes. Le pape, entre les mains duquel serait remis le duché, conclurait une ligue armée avec les Vénitiens et les Florentins pour assurer le repos de la péninsule et protéger le royaume de Naples. Sans cela, le pape traiterait avec le roi de France dans le double intérêt du saint-siège et des Médicis, et il ne s’opposerait point au passage des troupes destinées à attaquer l’Italie inférieure[1].

Ces propositions furent repoussées avec hauteur par le vice-roi. Il répondit qu’il y aurait pour l’empereur trop de honte à mettre en séquestre l’état de Milan, et il déclara qu’il ne traiterait pas

  1. Lettres de Lannoy à Charles-Quint des 19 et 25 novembre et du 2 décembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.