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qui serait toute à sa dévotion, et à la tête de laquelle il pénétrerait en France, entre la Lorraine et la Franche-Comté, et marcherait directement sur Paris. « Jamais, disait-il, il n’y eust plus grande apparence de venir au-dessus du commun ennemy qu’à cette heure, attendeu qu’il est hors de son royaulme, lequel est dépourveu de gens de guerre et malcontent. Parquoy, avec l’intelligence que Mr. de Bourbon y a, il ne peut faillir de faire de grandes choses,… et ne faut point que le roy pense que si Mr. de Bourbon fait son armée à son appétit, qu’il s’en doibve retourner comme il a fait de Provence[1]. » Il avait envoyé Beaurain en Angleterre pour montrer à Henri VIII l’opportunité et la facilité de cette entreprise, et puis il s’était transporté dans le Tyrol auprès de l’archiduc Ferdinand, afin d’en préparer l’exécution, si elle était agréée par Henri VIII. « Sinon, écrivait-il à Charles-Quint, je ne fauldray tout incontinent m’en retourner ici pour vos affaires[2]. » La France avait été assez heureuse pour que le roi d’Angleterre n’adoptât point ces projets d’attaque, qui parurent incertains à sa défiance, coûteux à son avarice. Il ne voulut ni opérer une descente, ni fournir au duc de Bourbon les moyens de tenter une invasion par le chemin qu’il désignait, et où elle n’aurait en ce moment rencontré aucun obstacle de la frontière au cœur du royaume. Le duc s’était forcément résigné, et, sans perdre de temps, avec les troupes que lui avait remises l’archiduc Ferdinand et celles qu’il avait levées pour son propre compte, il était retourné au camp impérial[3].

Dès ce moment, l’armée impériale, renforcée d’au moins quinze mille Allemands, fut presque aussi nombreuse que l’armée française ; elle l’égalait en infanterie, mais elle lui était inférieure en cavalerie et en artillerie. Elle se trouvait dans la nécessité de combattre ;

  1. Instructions du duc de Bourbon, etc., données le 22 octobre à Pavie. — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 217.
  2. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint du 4 décembre. — Archives imp. et roy. de Vienne.
  3. Le 5 janvier, il avait écrit de la route même à Henri VIII en lui annonçant ce qu’il allait faire : « J’ay trouvé mons. l’archiduc en si bonne volonté que mieux ne pourroit estre… Il envoie deux mille lansquenets, ensemble trois cents chevaux, le tout à ses dépens, oultre d’aultres bandes d’Allemands que je meine avec moy et en un bon nombre. Monsieur, j’ai sceu par un de mes serviteurs que les Françoys ont dit que je me suis retiré honteusement de Provence. J’y ay demeuré l’espace de trois mois et huit jours, attendant la bataille… La cause pourquoy je me suis retiré n’a pas été de ma volonté. Vous la sçavez par vos ambassadeurs. J’espère donner à cognoistre au monde que je n’ay pas crainte de luy (François Ier), car, au plaisir de Dieu, nous mectrons si près les uns des autres, que à grand peine nous démeslerons sans bataille, et feray en sorte que ni luy ni ceulx qui ont tenu ces propos de moy ne diront point que j’aye peur de m’y trouver. » Lettre du duc de Bourbon à Henri VIII, écrite de Trente le 5 janvier 1525. — Mus. Brit. Vitell. B. VII, f. 4.