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et du seigneur de Fleurange, qui les commandaient, ne parvinrent à leur faire tourner de nouveau les enseignes contre les impériaux. Se plaçant alors à la tête d’une troupe d’hommes d’armes qu’il rallia, François Ier se précipita en désespéré sur la cavalerie ennemie et les arquebusiers qui la soutenaient. Il aurait pu se sauver, il aima mieux être tué ou pris que d’encourir le déshonneur de la fuite. Avec une intrépidité sans égale, il chargea les impériaux, et suivi de tous ceux parmi les siens qui ne voulaient ni reculer, ni se rendre, ni survivre à une défaite, il chercha à les enfoncer. Il y eut en ce moment une mêlée confuse et meurtrière. Tandis que Pescara, qui y reçut trois blessures, avançait toujours, Antonio de Leyva, sorti de Pavie avec ses cinq mille hommes de pied, ses trois cents lances et ses chevau-légers, venait à sa rencontre. Il avait culbuté le corps qui avait été laissé sur les derrières de l’armée française pour le contenir, et il pressait les fuyards entre la garnison encouragée et l’armée victorieuse. Pendant quelque temps, on combattit sans ordre et sans merci. Parmi la grande noblesse française, qui se comporta héroïquement dans cette journée, beaucoup avaient déjà péri, beaucoup plus alors tombèrent morts ou blessés. Le vieux La Trémouille, qui depuis la fin du dernier siècle avait fait toutes les guerres, resta sur le champ de bataille. Le premier des maréchaux de France, le généreux La Palisse, y perdit glorieusement la vie. Le comte de Saint-Paul, cadet de la maison de Bourbon-Vendôme, fut frappé non loin du roi, et le maréchal de Foix reçut à ses côtés une blessure qui l’abattit et qui devait être mortelle. Le bâtard de Savoie, grand-maître de France, et le grand-écuyer San-Severino, chef du parti français au royaume de Naples, eurent, vers la fin de la bataille, le sort qu’avaient eu dans les commencemens le duc de Suffolk et François de Lorraine, morts à la tête des lansquenets. L’amiral Bonnivet alla se faire tuer au milieu des rangs ennemis pour ne pas voir l’armée détruite, le roi prisonnier, et ne pas assister à un désastre dont il était en partie cause[1] .

François Ier combattait toujours. Quoique blessé à la face et à la main, il était retenu par son fier courage au milieu des ennemis qu’il frappait de sa longue épée ; mais son cheval, déjà atteint, ayant été percé d’un coup de lance par le comte Nicolas de Salm, il tomba sous lui et fut entouré d’Espagnols et d’Allemands qui le pressèrent de se rendre. Il s’y refusa en se débattant encore[2].

  1. D’après les récits divers de Pescara, de Frundsberg, de François Ier, de Du Bellay, etc.
  2.  :: « Et là je fuz longuement combatu,
    Et mon cheval mort soubz moy abatu.
    De toutes pars lors despouillé je fuz,
    Mays deffendre n’y servit ne reffuz.
    Bien me trouva en ce piteux arroy,
    Exécutant leur chef le viceroy.
    Quand il me vit, il descendit sans faille,
    Affin qu’ayde à ce besoing ne faille.
    Las ! que diray ? cela ne veulx nyer,
    Vaincu je fuz et rendu prisonnier. »
    (Epistre de François Ier, dans Captivité, p. 123,124.)