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mais il montre aussi que les Perses tentèrent seulement une descente pour pénétrer ensuite en Attique, que les Athéniens n’eurent à combattre qu’un front d’armée égal au leur, que les vaincus se rembarquèrent aussitôt, ne laissant que quelques milliers de cadavres dans cette petite plaine où les Athéniens en comptèrent plus tard deux cent mille : ils osaient l’écrire sur leurs monumens publics. Les Perses furent même si peu effrayés de cet échec, qu’ils cinglèrent vers Athènes et l’eussent surprise sans la diligence de Miltiade. On comprend donc pourquoi Hérodote ne parle pas du butin : c’est qu’il fut peu considérable et se réduisit probablement à la dépouille des morts. Il n’y avait point, en effet, de camp à piller. De simples retranchemens avaient protégé les troupes de débarquement ; les richesses, les meubles précieux étaient restés sur la flotte ; l’élite des guerriers était seule descendue à terre, et, pour combattre, ils apportèrent, malgré la mollesse asiatique, des armes plutôt que de l’or. À peine en déroute, ils sautèrent dans leurs vaisseaux, qui gagnèrent promptement le large, si promptement que les vainqueurs n’en prirent que sept. Encore ne doit-on pas oublier, si l’on veut juger sainement de la dimension de ces vaisseaux, qu’un seul homme essayait de les retenir, et qu’il fallut couper les mains de Cynégire.

Des vêtemens, de belles armes, des bracelets et des colliers, voilà sans doute le merveilleux butin dont on fit tant de bruit par la suite. Ajoutez qu’il fut partagé entre tous les soldats suivant l’usage, et que l’état en retint seulement la dixième partie. C’est cette dîme qui paya, selon les Athéniens, tant d’œuvres magnifiques. Elle permit d’élever dans l’Acropole un colosse de bronze haut de soixante-dix pieds, à Platées une statue non moins gigantesque, de construire à Delphes un trésor où se renfermaient les offrandes, de consacrer dans le même sanctuaire les statues de Minerve, d’Apollon, de Miltiade, d’Érechthée, de Cécrops, de Pandion, de Léos, d’Antiochus, d’Egée, d’Acamas, de Thésée, de Codrus ; d’orner de boucliers d’or massif les architraves du temple d’Apollon, de bâtir à Athènes le temple de la déesse Eucléia et probablement aussi le Pœcile. Ne dirait-on pas qu’Athènes avait ramassé parmi les dépouilles une de ces bourses enchantées dont parlent les contes de la Perse moderne ? Légères et d’humble apparence, elles fournissent pourtant à toutes les fantaisies de l’heureux possesseur, sans jamais s’épuiser.

Je suis persuadé que les Grecs du siècle de Périclès n’avaient qu’un sourire d’incrédulité pour ces prétentions. Se taire était le plus grand sacrifice qu’Hérodote pût faire aux Athéniens, ses hôtes ; mais les témoins disparurent, et les monumens restèrent avec leurs inscriptions, que la postérité ne pouvait plus contester. Cependant Pausanias lui-même, le plus crédule des voyageurs, finit un jour par