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dans cette Suisse acariâtre qui réclame deux districts savoyards. Ne serait-il pas sage d’offrir à nos nouveaux concitoyens l’équivalent de ce qu’ils possédaient déjà en matière de libertés publiques ? Enfin nous voulons entrer avec ardeur dans la voie des réformes économiques ; nous allons voter des lois qui dégrèvent nos grandes consommations. Dans le feu d’un si beau zèle, nous commettons même des inconséquences que l’on corrigera à la réflexion, comme dans ce projet d’un prêt de 40 millions à l’industrie qu’il serait difficile de concilier avec le principe d’égalité qui anime notre état social, et qui en tout cas ne peut être avoué par le principe de la liberté commerciale, auquel nous venons de nous convertir. Notre nouvelle politique commerciale réclame l’extension des libertés publiques. Nous ne serions donc que conséquens avec nous-mêmes si, résolus à tromper les mauvaises prédictions de lord John Russell et à déjouer sa mauvaise humeur par notre modération, prêts à soumettre à une conférence des cinq puissances la difficulté que nous suscite la Suisse à propos du Chablais et du Faucigny, en plein succès diplomatique, en plein prestige militaire, nous nous donnions à nous-mêmes et nous offrions indirectement à l’Europe une sécurité nouvelle, et la plus efficace des garanties pacifiques, en consolidant notre prospère puissance par le développement de la liberté dans notre vie publique intérieure.

Le nouvel état de choses s’établit en Italie au milieu des obstacles et à travers les périls que l’on avait prévus. Les annexions se sont consommées, et voici que nous sommes à l’heure des protestations des princes dépossédés et même des excommunications, puisque c’est la forme que revêtent les protestations pontificales. Ces représailles morales, attendues depuis quelque temps, n’auront, nous l’espérons, aucun retentissement fâcheux dans l’ordre matériel. Les élections sont maintenant terminées dans le nouveau royaume d’Italie : les chambres vont se rassembler ; les chefs conservateurs et libéraux du mouvement italien y peuvent compter sur l’unanimité des voix, à peu de chose près. Nous ne pensons pas que la session du parlement italien soit longue. Si nous sommes bien informés, il n’aura à discuter qu’un très petit nombre de projets de loi, entre autres, dit-on, une loi électorale dont les bases seraient plus conservatrices encore que la loi actuelle. Les intentions présentes du cabinet de Turin sont véritablement pacifiques. Comme nous l’avions prévu, il n’usera de son influence sur les populations de l’Italie méridionale que pour prévenir des insurrections intempestives.

La grande question dans l’Italie méridionale est toujours la question romaine. La retraite de la garnison française de Rome achèverait notre affranchissement des compromissions italiennes ; mais ne serait-elle pas le signal de nouveaux troubles dans les états de l’église, de malencontreuses mesures de la part de la cour de Naples, et par contre-coup de révolutions dans le royaume des Deux-Siciles ? Malgré l’intérêt manifeste qu’a aujourd’hui le Piémont à prévenir de périlleux accidens dans le midi de la péninsule,