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même avec plus de détails sous l’impression de souvenirs personnels[1].

Bourbon est du petit nombre des lieux pour lesquels on peut citer la date d’installation et le nom même des premiers habitans ; c’est dire combien l’origine de la population est moderne, quoique l’île appartienne à l’ancien monde par sa situation géographique. C’est au milieu du XVIIe siècle, il y a deux cents ans à peine, que le drapeau français y fut planté sur un territoire qui, de ce souvenir, a conservé le nom de la Possession, entre Saint-Denis et Saint-Paul, les deux principales villes. Sous sa protection abordèrent d’année en année des élémens fort divers : matelots et soldats venus de Madagascar en punition ou en convalescence, flibustiers voulant mettre leurs prises en sûreté. Le premier noyau de colonisation sérieuse fut un groupe d’une vingtaine d’ouvriers envoyés en 1665 par la compagnie des Indes à l’instigation de Colbert, et que suivit bientôt après un convoi de jeunes orphelines. Par leur mariage se formèrent les premières familles, dont le nom s’est conservé dans les archives du pays et la mémoire des habitans ; la plupart survivent encore avec honneur dans la société créole. Un peu plus tard, l’île reçut d’autres Français échappés au massacre de Fort-Dauphin à Madagascar. Il paraît que la révocation de l’édit de Nantes y conduisit aussi quelques protestans, d’abord réfugiés en Hollande, et qui apportèrent là, comme ont fait en toute colonie les proscrits pour cause de religion, une activité à la fois industrieuse et morale. En ajoutant les agens des compagnies de Madagascar et des Indes qui se succédèrent dans la possession de l’île Bourbon, et quelques officiers de terre ou de mer qui s’y fixèrent après y avoir servi, on aura les divers élémens de la population primitive, dont l’établissement fut favorisé en 1688 par de vastes concessions de terres. Cette population, quoique de race blanche et vivant sous la zone torride, s’acclimata parfaitement grâce à une température qui oscille de 12 à 28° centigrades ; sa vitalité féconde est attestée par le nombre des blancs créoles issus en deux siècles des pères de la colonie ; on l’estime à vingt-cinq ou trente mille individus[2].

La pureté du sang européen ayant été altérée de bonne heure par des alliances avec les femmes malgaches que l’amour et la violence emmenèrent à Bourbon, il en fût résulté une scission, si, par un accord tacite, on n’avait renoncé de bonne heure à tenir compte de

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1844, l’étude de M. T. Pavie sur l’Ile de Bourbon, et, dans la livraison du 15 novembre 1849, colle de M. Th. Page, Journal d’une station dans les mers de l’Inde.
  2. Pour ne pas aggraver les divisions trop réelles qui existent entre les diverses classes, on s’abstient, dans l’état civil et les dénombremens, d’établir aucune catégorie d’après les couleurs et les origines.