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leur venir à l’esprit. Les rois de Bavière et de Wurtemberg ont travaillé à la faire prévaloir et vont en assurer le succès par la réunion de Bade. C’est en ce moment que l’empereur des Français se présente pour mettre le sceau à cette œuvre de conciliation et d’union, et vient apprendre à l’Allemagne que le danger dont elle se tourmente depuis si longtemps, le danger qui l’a divisée toute une année et qui maintenant la réunit, n’est qu’une chimère enfantée par une fausse panique. Il est bien évident que la France ne nourrit aucune de ces pensées qui ont porté l’empereur Napoléon Ier à créer, sous son protectorat, cette confédération du Rhin, dont le souvenir exaspère le patriotisme allemand, puisqu’elle n’a pas songé à profiter des divisions récentes de l’Allemagne, et qu’elle n’a pas mis d’obstacle au rapprochement qui s’opère entre la Prusse et les états secondaires. Il est manifeste que, contrairement à des clameurs proférées par quelques journaux, et que son gouvernement a désavouées comme l’inspiration d’une amitié maladroite, la France ne songe point aux frontières du Rhin, puisque son chef rend une visite spontanée aux princes dont une telle ambition tendrait à démembrer les possessions. Si l’Allemagne veut enfin reprendre son équilibre et son aplomb, l’occasion est unique. Ce ne sont plus de simples paroles, ce sont des actes que la France lui donne en garantie de ses intentions pacifiques.

Malgré l’importance de la démarche que l’empereur accomplit en ce moment auprès de la Prusse, nous ne nous dissimulons point que nos relations avec l’Allemagne demeurent subordonnées à la situation générale de l’Europe et aux accidens auxquels cette situation est exposée. L’Italie est en révolution active ; l’Orient est dans une fiévreuse attente. Les événemens peuvent à tout moment, en Italie et en Orient, produire de graves ébranlemens et des combinaisons imprévues dans les intérêts respectifs des puissances. Pour affronter les vicissitudes des questions italienne et orientale, c’est pourtant une sauvegarde précieuse que l’établissement de sérieux rapports de confiance entre les grandes puissances, et à ce point de vue également nous voulons espérer que l’excursion de l’empereur à Bade ne sera point inutile.

Les événemens suivent leur cours en Italie, et nous devons en attendre patiemment le dernier mot. Là l’intérêt s’est déplacé : il n’est plus dans l’Italie du nord et du centre, il est au sud de la péninsule, en Sicile avec Garibaldi. Après la campagne diplomatique de M. de Cavour, qui a créé ce courant, après la campagne militaire, régulière et savante, où le heurt des deux plus grandes armées continentales a laissé affranchi le territoire d’un peuple qui veut renaître, c’est le tour de la campagne héroïque et révolutionnaire de Garibaldi. Nous ne sommes pas surpris que les actions et les paroles du soldat de la révolution italienne parlent avec tant de puissance à l’imagination populaire à travers l’Europe entière. Ce réveil de la sensibilité populaire fait plaisir à voir au temps où nous vivons. C’est le privilège de ces hommes qui mettent au service d’une grande idée simple leur courage et leur dévouement,