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Alpes, entre les altitudes de 3 200 et 4 900 mètres, en nombre assez considérable. Les mousses s’avancent de 800 à 1 000 mètres moins haut que les lichens, et ne dépassent que de peu les derniers phanérogames. Dans l’Himalaya, la végétation est encore fort active à de grandes hauteurs : on lui trouve pour limite 19 000 pieds anglais. Là se montre plus complétement qu’ailleurs la frappante analogie des régions élevées et des contrées arctiques. Le printemps ne commence que fort tard, mais quelques semaines de chaleur suffisent à la plante pour accomplir les diverses phases de son évolution annuelle, et, bien que fleurissant plus tard que dans la vallée chaude et humide, le végétal achève déjà la maturité de son fruit, quand la fructification commence à peine à quelques milliers de mètres plus bas. C’est ce qu’a observé un habile naturaliste, Joseph Dalton Hooker, dans sa curieuse exploration du Sikkim, province comprise dans la partie méridionale de l’Himalaya. Il y a donc pour les végétaux, comme l’a établi M. Alphonse de Candolle, une véritable capacité calorifique. Ce n’est pas seulement de la moyenne de température estivale que dépend la période de végétation, mais de la somme de chaleur utile que reçoit le végétal.

Dans les régions montagneuses, les variations d’exposition et de configuration de terrain s’opposent malheureusement à ce qu’on puisse suivre les effets réguliers de la décroissance de l’altitude. Sur les Alpes, MM. Schlagintweit ont remarqué qu’en des lieux d’une même hauteur absolue, rien n’est égal, hormis la pression de l’air. Il y a des différences prononcées quant à l’état hygrométrique, à la température, d’où résultent pour la végétation des contrastes assez prononcés. Il est impossible d’assigner une limite absolue à la végétation arborescente et sous-frutescente, nécessairement subordonnée à des conditions variables. Ce sont cependant les cimes isolées qui peuvent fournir les données les moins arbitraires, et jusqu’à un certain point comparables.

Afin de saisir en quelque sorte la raison de la progression décroissante formée par les végétaux, MM. Schlagintweit se sont livrés à des observations attentives sur les tiges des pins, des sapins, des mélèzes, de toutes les essences en un mot qui caractérisent la végétation des montagnes, et qui appartiennent à la famille des conifères. Ils ont pris comme mesure les anneaux ligneux qui viennent chaque année grossir le diamètre du tronc, et dont le nombre permet d’apprécier l’âge de l’arbre. L’épaisseur de cet anneau varie suivant les espèces, mais il diminue généralement à mesure qu’on s’élève. La diminution s’observe surtout dans la seconde période de la vie de l’arbre, de cent à deux cents ans, parce que, à de grandes altitudes, la force végétative s’épuise plus rapidement, et que la période de