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rencontré sur le Faulhorn le campagnol des neiges (hypudœus nivalis) à une élévation de 8 550 pieds, et la demeure d’hiver des marmottes est souvent à plus de 8 000 pieds. Le reptile le plus alpestre, la grenouille, ne dépasse jamais la ligne des neiges, en-deçà de laquelle demeurent en général les lézards et les vipères. Quant aux poissons, s’ils trouvent dans l’abondance des lacs et des torrens un milieu plus propre à leur existence, la froidure des eaux est pour eux un obstacle analogue à celui que la basse température de l’air oppose aux animaux terrestres. Les truites sont à peu près les seuls poissons qui puissent vivre dans ces eaux glacées. Grâce à leur faculté d’exécuter des sauts, des bonds énormes, elles remontent les cataractes et franchissent des obstacles qui arrêteraient tout autre animal nageur. Deux variétés de la truite, celle des torrens (salmo fario) et la truite rouge (salmo salvelinus), se rencontrent encore au Saint-Gothard, à 6 409 pieds, dans le petit lac de Luzendro ; plus haut, la congélation perpétuelle des eaux s’oppose absolument à leur existence, et sur le grand Saint-Bernard, dans un lac qui est élevé de 7 500 pieds, on ne rencontre plus aucune trace de la faune ichthyologique.

Ce sont naturellement les oiseaux qui représentent la population des plus hautes altitudes. Dans les Andes le condor, dans les Alpes l’aigle et le vautour peuvent planer au-dessus des cimes les plus gigantesques. Ces animaux, organisés pour les plus longs voyages, sont les grands voiliers de l’océan atmosphérique, de même que les sternes et les pétrels sont les grands voiliers de l’Atlantique. Le choucas, cette espèce de corbeau d’un noir intense, qui a le bec jaune et les pattes d’un rouge vif, n’atteint pas de si grandes élévations dans l’atmosphère, mais il est par excellence l’oiseau des hautes cimes, celui de la région des neiges et des pitons stériles. On l’a rencontré au sommet du Mont-Rose et au Col du Géant, à plus de 3 500 mètres. Réunis par bandes dans les anfractuosités des montagnes, voltigeant le long des escarpemens les plus abrupts, les choucas font entendre leurs bruyans croassemens. Tout ce qui se dresse dans les airs et nous communique le vertige a pour ces oiseaux un attrait particulier : sapins gigantesques, clochers, vieilles tours, créneaux de châteaux-forts dominant les vallées, pinacles de cathédrales, pics isolés dont les escarpemens plongent au fond d’effrayans précipices, aiguilles nues et dentelées, Voilà leurs demeures de prédilection ; c’est à ces hauteurs qu’ils établissent leur nichée. Véritables cénobites de l’air, condamnés comme ceux de la Thébaïde au régime le plus frugal et le plus austère, ils se plaisent dans la solitude, et semblent d’autant plus satisfaits qu’un plus grand espace les sépare de l’homme.

Il est des oiseaux plus gracieux qui résident aussi dans la région