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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1860.

L’on a remarqué depuis longtemps qu’en politique l’année se partage en deux saisons : l’hiver et l’été. L’hiver est la saison des affaires, des luttes, des controverses, des agitations, des conflits ; l’été, la saison de l’apaisement, du repos, du sommeil. Nous parlons des années ordinaires, de celles où la guerre et les révolutions ne viennent pas confondre les lois de la météorologie politique. On peut, sans se donner pour bien habile astrologue, prédire à la présente année la destinée régulière. Nos tracasseries et nos troubles d’hiver touchent visiblement à leur terme, et l’on voit venir un tranquille été. La question suisse a été notre lune rousse : nous en voici bientôt sortis sains et saufs.

Aux yeux des prudens, parmi lesquels nous avons, non la vanité, mais la modestie de nous ranger, l’affaire de la Savoie et de la Suisse pouvait avoir deux sortes de conséquences périlleuses : des conséquences immédiates et des conséquences éloignées. Nous étions, pour notre compte, surtout inquiets de celles-ci, telles que les laissaient voir le dépit marqué de l’Angleterre et la chance d’une sérieuse altération du système de nos alliances en Europe. Dans l’opinion, suivant l’usage, on se préoccupait davantage des conséquences immédiates : en effet, au ton pris par l’Angleterre au commencement de la transaction par laquelle la France a reculé son territoire jusqu’aux Alpes, on a pu croire un instant à des complications prochaines. Cette appréhension, que nous n’avons point partagée, doit à présent s’évanouir dans tous les esprits. Ici encore, nous assistons à la souveraine puissance du fait accompli. Si l’annexion de la Savoie eût dû donner lieu à quelque conflit grave, il est évident que les protestations et l’action diplomatique des intérêts qui auraient voulu faire obstacle à nos desseins eussent précédé la conclusion du traité par lequel la Sardaigne a cédé Nice et la Savoie à la France, et eussent devancé surtout la manifestation du suffrage universel parmi les populations de ces provinces. Si l’être de raison que l’on ap-