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tails auxquels sa vie commencée dans les champs et continuée dans la manufacture l’avait successivement initié, — orateur sans y prétendre, et mieux servi par ses instincts que s’il en fût sorti pour chercher l’effet dans des moyens moins simples et moins appropriés.

Quand il fut en âge de choisir une carrière, M. Cobden n’eut qu’à obéir à la destinée. Il avait un oncle qui exerçait à Londres l’industrie des toiles peintes ; c’est près de lui qu’il se rendit et commença son apprentissage commercial. La maison était le siège d’un travail très actif, trop actif peut-être, car à quelques années de là elle fut emportée par des spéculations qui excédaient ses ressources ; mais les erreurs mêmes de l’oncle profitèrent à l’éducation du neveu. Avec un bon sens précoce, il vit et jugea les fautes commises, et quand il agit par lui-même et pour lui-même, il se garda d’y tomber. Son premier acte, dans ce moment d’épreuve, atteste combien déjà son caractère était réfléchi. À côté et au-dessus des motifs particuliers auxquels l’échec de son oncle pouvait être attribué, il avait entrevu des causes plus générales. Les belles toiles peintes, celles qui exigent plus d’art et de goût, s’étaient jusqu’alors fabriquées à Londres, où se trouvaient les ouvriers les plus expérimentés et les plus habiles dessinateurs ; Manchester n’imprimait encore que des toiles communes. C’était comme un partage d’attributions qui d’un côté donnait un produit plus parfait avec une main-d’œuvre plus coûteuse, de l’autre un produit inférieur au prix le plus réduit. M. Cobden se demanda s’il n’y aurait pas avantage à réunir ces deux genres de fabrication dans les mêmes mains et dans la même localité, l’une servant de modèle à l’autre, et toutes d’eux s’aidant par le contact. Transporter à Londres l’impression des toiles communes, il n’y fallait pas songer ; les charges de la vie dans une grande ville sont incompatibles avec des salaires modiques. Introduire au contraire à Manchester l’impression des toiles supérieures était une combinaison qui se présentait avec des chances favorables. Il ne s’agissait que d’attirer à Manchester de bons ouvriers et de bons dessinateurs. C’est ce qu’entreprit M. Cobden. Mieux que personne, il était en position d’y réussir. Il n’emporta de Londres que son idée ; elle suffit pour lui ouvrir une carrière qui, d’abord modeste, alla chaque jour s’agrandissant. Pour l’industrie des toiles peintes, ce fut une révolution : au lieu de deux sièges, elle n’en eut plus qu’un, et peu à peu le Lancashire s’en empara au détriment du Middlesex.

Pendant plusieurs années, l’ambition de M. Cobden ne se porta point au-delà du soin de son industrie. Commis, puis intéressé dans une maison, enfin chef de maison lui-même, il gagnait lentement du terrain, sans autre prétention que d’arriver à la fortune par le