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ports avec le sentiment religieux et la condition morale du peuple. Il y eut de curieux incidens, d’éloquentes protestations dans lesquelles la Bible figurait avec autorité. M. Cobden ouvrit la conférence comme délégué de la ligue ; il dit quels étaient ses plans, quelles intentions l’animaient, quels moyens elle avait à sa disposition. Puis chaque ministre vint à son tour rendre compte de la situation des classes pauvres dans les paroisses de son ressort ; l’un d’eux déclara, avec l’assentiment de tous, qu’il y avait dans le pays quinze cents membres du clergé décidés à soutenir cette agitation sans acception de partis ni d’intérêts, et que parmi ceux qui étaient présens plusieurs avaient fait à leurs frais quarante, cinquante et jusqu’à cent lieues, pour apporter leur concours à une œuvre qu’ils regardaient comme inspirée par le ciel et digne de ses bénédictions. Les conférences se résumèrent par une adresse qui exprimait ces sentimens, et l’assemblée se sépara avec la résolution d’agir dans le sens des convictions qu’elle s’était formées.

Le second appui que trouva la ligue lui vint des dames de Manchester. Admises depuis quelque temps aux réunions, elles les suivaient avec un intérêt évident et une vive sympathie. Des thés publics furent organisés ; les dames en faisaient les honneurs, et remplie par des discours, la soirée se terminait par des quêtes. Les dames de Manchester ne s’en tinrent pas là ; dans une assemblée spéciale où lord Holland occupait le fauteuil, elles votèrent une adresse à la reine, et se formèrent ensuite en comité, sous la présidence de Mme Cobden, pour ouvrir un bazar dont les recettes devaient servir à l’accroissement du fonds de la ligue et au soulagement des misères les plus urgentes. En moins de trois mois, ce projet fut mis à exécution. Le grand théâtre de la ville, approprié à cette destination et décoré avec goût, s’ouvrit aux dons volontaires ; c’était, au sein des familles, à qui offrirait le plus de ces ouvrages délicats qui naissent sous l’aiguille ou sous le fuseau. Aux merveilles de l’industrie locale on ajouta tout ce qui pouvait piquer la curiosité. L’enceinte avait été divisée en stalles qu’occupaient en grande toilette des marchandes improvisées auxquelles les chalands ne résistaient pas, et qui rivalisaient d’adresse pour vendre à plus haut prix les moindres bagatelles. Les prix d’entrée avaient été fixés à 1 shilling le matin, à 2 shillings dans l’après-midi. Cette exposition dura dix jours, et les recettes prouvèrent ce que peuvent la grâce et le dévouement mis au service d’une pensée charitable. Au moment de la clôture, le bazar avait rapporté 10,000 livres sterling, plus de 250,000 francs. C’était un beau subside pour la ligue, et une riche aumône qui de ses mains devait aller dans celles des malheureux.