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expliqua le motif. « Quel que soit, dit-il, le ministre qui se charge de la défense de nos principes, nous lui devons notre appui. Peu importent son opinion et son parti ; dès qu’il est avec nous, il est des nôtres ! » Séance tenante, de nouvelles résolutions furent adoptées. Un quatrième appel avait été fait pour un fonds de 250,000 livres sterling (7 millions de francs) ; on en pressa le recouvrement pour défrayer, au besoin, les plus grandes dépenses : 60,000 livres furent souscrites immédiatement ; au bout d’un mois, on atteignait 150,000 livres. L’élan, il faut le dire, était un peu artificiel : on voyait arriver les hommes, de la dernière heure ; ceux qui vont vers le succès et épousent les causes quand elles sont gagnées. Les sacrifices d’ailleurs n’étaient qu’éventuels, tandis que les vétérans de l’agitation avaient fait les leurs sans pensée de retour et sur des espérances bien douteuses. Dans les réunions mêmes, on était frappé de l’attitude des nouveau-venus, qui cherchaient, par des excès de zèle, à relever une adhésion un peu tardive. Comme toutes les puissances, la ligue avait des parasites et des officieux ; il était temps que le dénoûment vînt l’en délivrer.

Quand le parlement se rassembla le 19 janvier 1846, tous les visages exprimaient l’attente et la préoccupation. La reine l’ouvrit en personne ; elle parla de l’insuffisance des récoltes et de la nécessité d’y porter remède. Dans la chambre haute, les personnalités ne furent pas ménagées ; le duc de Richmond demanda avec aigreur pourquoi M. Cobden n’était pas nommé pair et n’occupait point le banc de la trésorerie. Aux communes, sir Robert Peel déclara qu’au sujet des grains son opinion avait subi un changement complet. Accueillies par les applaudissemens de l’opposition, ces paroles ne rencontrèrent que le silence sur les bancs ministériels. On attendait ses propositions ; il les développa à quelques jours de là. La chambre était au grand complet ; le prince Albert et le duc de Cambridge assistaient à la séance. Le premier ministre entra dans les détails. Après quelques réductions annoncées sur divers articles, il en vint aux grains ; après trois années d’un régime mitigé et provisoire, ils devaient être complètement affranchis. Est-il besoin de rappeler comment furent accueillis ces projets de réformes et la vive irritation qu’ils provoquèrent parmi les anciens amis du ministre ? Jamais langage plus irritant, jamais attaques plus personnelles ne vinrent frapper un homme sur son siège. Les mots de transfuge, d’apostat, volaient de bouche en bouche. Sir Robert Peel supporta le choc sans faiblir ; aux personnalités il n’opposa que le dédain, et se borna à justifier ses mesures par les considérations les plus élevées. Trois admirables discours remplirent ce débat et resteront comme des monumens de dignité, de sagesse et d’éloquence.

Dans le cours de la discussion, les membres de la ligue qui sié-