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avaient réclamé jusqu’au bout l’affranchissement immédiat, ils eurent le bon sens d’accepter l’affranchissement à terme comme une satisfaction suffisante. Le conseil exécutif, assisté de nombreux délégués accourus de tout le royaume, tint à Manchester, le 2 juillet, une dernière et solennelle séance. M. George Wilson, qui l’avait si longtemps et si dignement présidée, résuma les opérations de la ligue depuis ses débuts jusqu’à son triomphe. M. Cobden rendit justice aux hommes qui y avaient contribué et avant tout à sir Robert Peel, qui, en perdant son portefeuille, avait fait la conquête du pays. « Pour ma part, dit-il, j’aimerais mieux rentrer dans la vie privée comme il l’a fait que de monter au plus haut degré du pouvoir humain. » Il termina en demandant que les opérations de la ligue fussent closes dans le plus bref délai possible. M. Bright appuya la motion, qui passa à l’unanimité. Des détails de conduite furent ensuite réglés ; on prit des précautions contre les surprises ; le conseil restait juge de l’opportunité d’une reconstitution, et l’un des membres présens s’écria à ce sujet qu’il serait prudent de la part des ligueurs de garder leur poudre sèche. On ne renonça ni à la surveillance des listes, ni à l’influence exercée sur les élections. Ces points arrêtés, on fit la part de la reconnaissance. Une somme de 10,000 livres sterling fut offerte au président pour ses inappréciables services, et chacun des membres du conseil eut un service d’argent pour le thé et le café. Vis-à-vis de MM. Cobden et Bright, le témoignage prit la forme d’une souscription publique dont l’élan fut merveilleux : M. Bright reçut en don une magnifique bibliothèque, M. Cobden 75,000 livres sterling (près de 2 millions) recueillies à son intention. C’étaient de nobles récompenses, galamment offertes, dignement acceptées, relevées par l’intention et ayant le double mérite de la générosité et de l’empressement.

Ces actes étaient un adieu. Immédiatement après, le président déclara au milieu d’un profond silence que la ligue était conditionnellement dissoute. Ce congé ne fut pas reçu sans émotion par ces cinq cents délégués qui, dans une cause commune, avaient pris l’habitude de se voir et de se concerter. Dans le nombre, il y en avait beaucoup qui, d’après le conseil donné, se promirent de tenir leur poudre sèche. Cette poudre resta sans emploi ; la guerre était bien finie. Trois ans après, le 31 janvier 1849, deux mille personnes se réunissaient pour un banquet dans la salle de Manchester : les principaux chefs de la ligue, MM. Cobden, Bright, George Wilson, y assistaient ; c’était la veille du jour où le droit allait être aboli. Des discours suivirent le repas et se succédèrent dans le cours de la soirée ; personne ne quitta la place. Cinq minutes avant minuit, la musique joua l’air populaire de la ligue : Le bon temps vient! et l’assemblée le répéta