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la chair et qu’il faut arracher à la profanation des gentils. « Venez donc, dit saint Pierre, avec toutes vos forces au secours de mon peuple romain, afin que je vous secoure moi-même dans cette vie et au jour du jugement dernier[1]. »

Le soin que la papauté avait alors de rester en bonne intelligence avec les Carlovingiens éclate encore mieux dans une lettre que le pape Etienne III adresse à Charlemagne et à son frère Carloman au commencement de leur règne. D’ennemis des Francs, les Lombards semblaient près de devenir leurs amis. On parlait de mariages entre Charlemagne et la fille de Didier, roi des Lombards, entre le fils de Didier et Giselle, sœur de Charlemagne. Etienne III supplie Charlemagne de renoncer à cette union. La diplomatie de cette époque n’est guère polie ; Etienne dit que ce projet de mariage n’est qu’une inspiration diabolique : « En effet, mes très chers et très illustres fils, grands rois, quelle est cette erreur qu’on peut à peine exprimer ? La grande nation des Francs, qui l’emporte sur toutes les autres nations, votre royale famille, si magnifique et si noble, se souiller par l’alliance de la race perfide et impure des Lombards, qui n’est pas mise au nombre des nations, et dont il est certain que sont sortis les lépreux ! » Malgré les prières et les menaces du pape, Charlemagne épousa la fille de Didier ; mais il la répudia au bout d’un an et détruisit le royaume des Lombards[2].

L’accroissement du pouvoir spirituel et temporel des papes date de leur alliance avec les Carlovingiens et de la destruction du royaume des Lombards. Dès ce moment fut fondée en Italie une puissance essentiellement italienne ; plus tard naquirent les républiques italiennes, et on peut dire sans hésiter que pendant tout le moyen âge, malgré les fréquentes invasions des césars d’Allemagne, l’activité de l’Italie a été tout italienne. C’est le temps de la poésie, qui fleurit avec Pétrarque et avec Dante ; c’est le temps des beaux-arts renaissans ; c’est le temps aussi, il est vrai, de je ne sais

  1. « Ego Petrus apostolus,… qui vos adoptivos habeo filios, ad defendendum de manibus adversariorum hanc romanam civitatem et populum mihi à Deo commissum, sed et domum, ubi secundum carnem requiesco, de contaminatione gentium eruendam, vestram omnium provocans dilectionem, adhortor… Præstate ergo populo meo romano, mihi a Deo commisso, præsidia totis vestris viribus, ut ego Petrus vocatus Dei apostolus, in hac vita et in die futuri examinis vobis alterna impendant patrocinia… » Lehrbuch der Kirchengeschichte, von Gieseler, t. II, p. 30.
  2. « Quod certe si ita est, hoc proprie diabolica est immissio, et non tam matrimonii conjunctio… Quæ est enim, præcellentissimi filii, magoi reges, talis desipientia, ut penitus vel dici liceat, quod vestra præclara Francorum gens, quæ super omnes gentes enitet, et tam splendiflua ac nobilissima regalis vestræ potentiæ proles, perfidâ, quod absit, ac fœtentissima gente Longobardorum polluatur, quæ in numero gentium nequaquam computatur, de cujus natione et leprosorum genus oriri certum est. » Lehrbuch der Kirchengeschichte, von Gieseler, t. II, p. 31.