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émanaient tous du pape, mais ils étaient divisés et tempérés dans ses délégués. En 1814, toutes ces administrations collectives ne furent plus que des bureaux, et l’autorité se trouva centralisée entre les mains du cardinal secrétaire d’état.

La réforme à faire à Rome doit donc autant s’appliquer aux abus de la centralisation moderne qu’aux abus de la vieille administration romaine. Il ne s’agit pas, pour tout améliorer, de substituer l’esprit de notre siècle à l’esprit des siècles passés ; cette substitution a déjà été faite et n’a pas réussi : il s’agit de reprendre dans le passé beaucoup de libertés locales, qui faisaient la vie des municipalités italiennes et que la centralisation a détruites. Il y a des personnes de très bonne foi qui s’imaginent que le remède à tous les maux de l’administration romaine est de mettre des laïques partout où il y a des prêtres. Sécularisez l’administration, et tout ira bien. On a déjà répondu que les laïques pullulent dans l’administration romaine. D’ailleurs il ne suffit pas d’être laïque pour avoir la capacité administrative : il n’est pas non plus établi par l’expérience de l’histoire que les prêtres sont incapables de gouverner. Il y a des ecclésiastiques qui ont l’esprit très séculier, je le dis en bonne part, et des laïques qui ont l’esprit très clérical. Ce n’est donc pas le laïcisme partout triomphant qui régénérera Rome, c’est le libéralisme intelligent, tel qu’il convient à l’église catholique, ce libéralisme qui sait reprendre dans le passé les vieilles traditions de la liberté et les appliquer à la société nouvelle, qui ne croit pas que tout ce qui est ancien soit mauvais, et qui ne croit pas non plus que tout ce qui est moderne soit impie. Les laïques et les prêtres ne valent point par leur habit, mais par leur esprit : c’est à l’esprit et non à la robe qu’il faut s’attacher.

Que ceux qui veulent la destruction pure et simple du grand pontificat catholique répètent à tout propos qu’il faut séculariser l’administration romaine, que c’est là le seul remède à tous les abus, je comprends parfaitement ce système ; mais que ceux qui veulent maintenir la souveraineté pontificale se laissent aller à croire que le pape peut être le seul prêtre de son administration, c’est là ce que je conçois moins bien. Le jour où à Rome, de sécularisations en sécularisations, il n’y aura plus que le pape qui ne soit pas un séculier, la sécularisation de la papauté est faite. L’évêque devient prince et fonde une principauté héréditaire, s’il en a la force, ou bien Rome tombe en des mains étrangères, et le pape n’est plus qu’un curé de paroisse.

La réforme de l’administration romaine doit se faire entre ces deux écueils à éviter : un cléricanisme étroit et se tenant avec une préméditation opiniâtre hors des conditions de la société moderne ;