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de tirer de l’armoire les grands chandeliers de cuivre, de « lâcher » miss Hoyden, de lui faire passer une gorgerette propre, « si ce n’a pas été aujourd’hui le jour du changement de linge. » Le faux gendre veut épouser Hoyden tout de suite : « Oh ! non, sa robe de noces n’est pas encore arrivée. — Si, tout de suite, sans cérémonie, cela épargnera de l’argent. — De l’argent, épargner de l’argent, quand c’est la noce d’Hoyden ! Vertudieu ! je donnerai à ma donzelle un dîner de noces, quand je devrais aller brouter l’herbe à cause de cela comme le roi d’Assyrie, et un fameux dîner, qu’on ne pourra pas cuire dans le temps de pocher un œuf. Ah ! pauvre fille, comme elle sera effarouchée la nuit des noces ! car, révérence parler, elle ne reconnaîtrait pas un homme d’une femme, sauf par la barbe et les culottes. » Il se frotte les mains, fait l’égrillard. Plus tard il se grise, il embrasse les dames, il chante, il essaie de danser. « Voilà ma fille ; prenez, tâtez, je la garantis, elle pondra comme une lapine apprivoisée. » Arrive Foppington, le vrai gendre. Sir Tunbelly, le prenant pour un imposteur, l’appelle chien ; Hoyden propose qu’on le traîne dans l’abreuvoir ; on lui lie les pieds et les mains, et on le fourre dans le chenil ; sir Tunbelly lui met le poing sous le nez, voudrait lui enfoncer les dents jusque dans le gosier. Plus tard, ayant reconnu l’imposteur : « Mylord, dit-il du premier coup, lui couperai-je la gorge, ou sera-ce vous ? » Il se démène, il veut tomber dessus à grands coups de poing. Tel est le gentilhomme de campagne, seigneur et fermier, boxeur et buveur, braillard et bête. Il sort de toutes ces scènes un fumet de mangeaille, un bruit de bousculades, une odeur de fumier.

Tel père, telle fille. Quelle ingénue que miss Hoyden ! Elle gronde toute seule « d’être enfermée comme la bière dans le cellier. — Heureusement qu’il me vient un mari, ou, par ma foi ! j’épouserais le boulanger, je l’épouserais ! » Quand la nourrice annonce l’arrivée du futur, elle saute de joie, elle embrasse la vieille : « O bon Dieu ! je vais mettre une chemise à dentelles, quand je devrais pour cela être fouettée jusqu’au sang. » Tom vient lui-même et lui demande si elle veut être sa femme. « Monsieur, je ne désobéis jamais à mon père, excepté pour manger des groseilles vertes. — Mais votre père veut attendre une semaine ? — Oh ! une semaine ! je serai une vieille femme après tant de temps que cela ! » Je ne puis pas traduire toutes ses réponses. Il y a un tempérament de chèvre sous ses phrases de servante. Elle épouse Tom en secret, à l’instant, et le chapelain leur souhaite beaucoup d’enfans. « Par ma foi ! de tout mon cœur ! plus il y en aura, plus nous serons gais, je vous le promets, hé ! nourrice. » Mais le vrai futur se présente, et Tom se sauve. À l’instant son parti est pris, elle dit à la nourrice et au chapelain de