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luttes d’idées et de systèmes qui s’agitent, ce sont plutôt des luttes de passions et d’ambitions. On en est encore dans l’Amérique du Sud au conflit orageux entre les vieilles traditions du régime colonial et un instinct vague de réorganisation qui n’a pu arriver jusqu’ici à se formuler, et à travers tout le phénomène prédominant et caractéristique reste toujours ce qu’on nomme au-delà de l’Atlantique le caudillage, le despotisme d’un chef de hasard, qui grandit par la guerre civile, dissout les congrès, règle des dettes nationales, se querelle avec les étrangers qui le gênent, et s’assure une autocratie de quelques années pour tomber ensuite comme il s’est élevé. On a cru voir autrefois une exception dans le général Rosas. Le dictateur argentin n’était que le type d’une race qui existe partout, et dont les spécimens contemporains sont les Monagas dans le Venezuela, Urbina dans l’Equateur, Carrera dans l’Amérique centrale, Castilla au Pérou, comme elle a produit autrefois Oribe, Lavalleja, Rivera, Florès, Belzu. Il y a maintenant juste un demi-siècle que les républiques hispano-américaines ont commencé leur mouvement d’émancipation, et il y a un demi-siècle que le drame continue. Quand s’arrêtera-t-il ? C’est le problème de l’Amérique du Sud tout entière, et à une telle question la plus instructive réponse est un coup d’œil jeté sur les plus récentes agitations de tous ces pays répandus dans le Nouveau-Monde espagnol : le Mexique et l’Amérique centrale, — les états qui formèrent autrefois la Colombie et qui s’étendent, sur l’Océan-Pacifique, jusqu’au Pérou et au Chili, — les républiques enfin qui remplissent de leurs querelles le grand bassin fluvial du Rio de la Plata. Ce sera, si l’on veut, un voyage à travers les révolutions et les dictatures de l’Amérique du Sud.


I

Le Mexique a bien quelque droit à la primauté dans l’histoire de l’anarchie américaine. Depuis qu’il existe comme état indépendant, il a parcouru les plus singulières vicissitudes. Il fut même un moment érigé en empire sous Iturbide en 1822, empire fort éphémère, qui dura moins d’un an. Depuis lors, la question est de savoir si le Mexique sera une république fédérative ou une république unitaire, s’il sera gouverné par le parti conservateur ou s’il passera sous la domination des radicaux, qui par un euphémisme bizarre s’appellent aussi les puros. Ce que cette question a déjà produit de révolutions et de présidences sous toutes les formes et sous tous les titres, ce qu’elle a fait naître de plans successifs de régénération, il serait difficile de le dire. Les événemens qui agitent depuis quelque temps le Mexique et qui l’ont rejeté plus que jamais dans la guerre civile ne sont que la continuation de ce conflit permanent ; ils remontent,