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quelque considération. Quarriva-t-il alors ? Sans plus de forme, le général Barrios fît tout simplement enlever les deux nouveaux ministres et les expédia à Guatemala.

La rupture était complète, et la situation ne laissait pas de devenir bizarre. Barrios ne s’arrêtait pas en si bon chemin. Aux approches de la session qui allait commencer, il usait de toute son influence sur les membres du congrès, et les déterminait à appeler dans la capitale le général Guzman, son beau-père, vice-président de la république, pour lui remettre le pouvoir à l’exclusion de M. Santin, et c’est ce qui fut fait. Le journal officiel assura avec gravité que M. Santin se retirait pour motif de santé. Ce coup d’état fut facilement sanctionné par les chambres, dont la session commençait le 17 janvier 1859 et se termina le 12 février. Quelque courte que fût d’ailleurs cette session, les chambres eurent le temps de réaliser la réforme constitutionnelle tant désirée par Barrios. La durée de la présidence fut portée de deux à six années, le mandat des députés fut également prolongé de deux à quatre ans. La situation toutefois continuait à être singulièrement équivoque. Le vice-président de la république, le général Guzman, se lassa bien vite du pouvoir et se retira. Ici surgissait une difficulté nouvelle. D’après la constitution, en cas d’empêchement du président et du vice-président, le pouvoir passe à l’un des trois sénateurs désignés à cet effet. Or l’un de ces sénateurs, le premier, était Barrios lui-même, qui s’excusa, et l’autorité exécutive échut à un homme fort peu accoutumé à la direction des affaires, à un propriétaire, M. Peralta, qui accepta d’abord d’être le prête-nom de Barrios, entre les mains de qui, on le comprend, restait le pouvoir réel.

Jusque-là, sauf l’étrangeté de ces scènes d’une politique un peu sommaire, les choses avaient marché sans trop d’embarras. Cette série de coups de tête faisait pourtant des mécontens qui ne tardèrent point à s’agiter. Le 4 mars, une sorte de révolte éclatait dans une des casernes de la capitale. L’effervescence se répandit. Il y eut alors un mouvement attribué à M. Dueñas. On eut facilement raison de ces agitations. M. Peralta ne garda du reste que peu de jours l’autorité nominale qu’il avait acceptée ; il se retira à son tour, et cette fois Barrios prit directement le pouvoir. Il était arrivé à ses fins : il avait devant lui, comme chef provisoire du gouvernement, ce qui restait de temps jusqu’à la fin de la présidence de M. Santin, puis il se promettait bien de se faire élire lui-même président pour six ans. La combinaison n’était pas mal calculée. Pourtant Barrios avait encore affaire à ses ennemis, qui, après avoir été vaincus dans le premier moment, s’étaient réfugiés au Honduras, d’où ils menaçaient de revenir en armes. M. Santin lui-même, le président dépossédé,