Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lutte entre les oligarques et les libéraux, dont l’alliance avait fait le succès de la révolution et devait en assurer la durée.

C’est dans ces conditions que la convention nationale chargée de réorganiser le pays se réunit à Valencia en juillet 1858. Elle resta six mois en session, et fit une constitution. La république de Venezuela se trouvait replacée en apparence sous un régime régulier ; au fond, la situation n’était rien moins que rassurante. Le pays était à peine reconstitué qu’il était déjà menacé de nouveaux déchiremens. D’un côté, le gouvernement se laissait aller à un étroit et violent esprit de coterie ; il reproduisait dans la politique et dans les finances les mêmes abus qu’on avait vus précédemment ; d’un autre côté, les partis s’agitaient singulièrement. Le président, le général Castro, homme faible et de peu de tête, flottait au milieu de ces complications intérieures, se laissant dominer par son entourage et ne donnant aucune direction. Lorsqu’il rentra dans la capitale de la république, à Caracas, le 14 janvier 1859, après être resté à Valencia pendant la durée de la session de la convention, il ne trouva partout que froideur et symptômes alarmans.

Déjà les mouvemens révolutionnaires commençaient à éclater. À Guanarito, point limitrophe des provinces de Barinas, de Barquisimeto et de Carabobo, une faction de 1,200 ou 1,500 hommes s’était levée ; elle avait pour chef un propriétaire du pays, M. Linarès, oligarque d’opinion, mais devenu l’ennemi acharné du gouvernement à la suite du plus violent outrage, fait à sa sœur par un officier. Vers la fin de février, la garnison de Coro se prononçait sous les ordres du général Zamora, qui allait battre la campagne avec 1,500 hommes. D’un autre côté, La Guayra semblait prête à se soulever ; on s’attendait à tout instant à voir débarquer les généraux Falcon et Sotillo. Ce dernier ne tarda point à arriver à Maturin, où la famille des Monagas jouit d’une grande influence. Sotillo, qui a, dit-on, vingt-cinq fils légitimes ou naturels, et qui ne manque pas de crédit sur la population noire, suffisait, avec ses nombreux enfans, pour donner une nouvelle activité à la guerre civile. L’insurrection, éclatant à l’orient et à l’occident, prit bientôt, des proportions menaçantes. Les insurgés évitaient d’ailleurs de trop mettre en avant le nom des Monagas, tout en se grossissant de la nombreuse clientèle de cette famille ; ils arboraient le drapeau du fédéralisme, et ces mouvemens, en se propageant, ne laissèrent pas de produire une assez vive impression à Caracas même.

Le général Castro ne savait que faire ; il flottait, choisissant alternativement des ministres parmi les libéraux et parmi les oligarques, promulguant des amnisties, puis les retirant, tantôt résolu à combattre la révolution et le lendemain inclinant à traiter avec elle. Il