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pressé par l’opinion. Il y eut d’abord sur divers points de vrais pronunciamientos en faveur de la guerre contre la province dissidente. Le mot d’ordre était partout la reconstitution de l’intégrité nationale. Bientôt un fait singulièrement significatif se produisit : on rétablit comme signe de ralliement la fameuse ceinture rouge (la cinta) du temps de Rosas. La devise était, il est vrai, moins farouche. Ce n’était pas moins une résurrection fort malheureuse d’un déplorable emblème de haine et de guerre civile. Dans le même temps, le cabinet de Parana remettait au jour une loi de 1856, par laquelle il avait protesté contre tout acte de souveraineté extérieure de Buenos-Ayres. On ne pouvait se méprendre sur le sens de cette série de faits. On voulait la guerre à Parana, on la voulait le plus promptement possible. Cette pensée se laissait voir pleinement dans le message par lequel le président de la confédération ouvrait la session législative le 1er mai 1859 ; elle éclatait dans le premier acte du congrès, qui était d’autoriser le chef de l’état « à résoudre la question de l’intégrité de la république par des négociations pacifiques ou par la guerre, à mobiliser les gardes nationales, à augmenter les troupes de ligne, à faire toutes les dépenses nécessaires, et à prendre au besoin le commandement de l’armée. »

Quoi qu’en pût dire le général Urquiza dans son message aux chambres fédérales, il n’est pas moins vrai que Buenos-Ayres ne prenait nullement l’initiative de l’agression dans cette lutte nouvelle qui se préparait. Sans doute la province dissidente était jusqu’à un certain point rebelle et agressive par sa position, par les principes qui inspiraient son gouvernement, par ses prétentions de suprématie, par cette usurpation de souveraineté extérieure inhérente à la demi-indépendance qu’elle s’était donnée. En un mot, elle se trouvait dans une situation anomale qui devait déplaire au chef de la confédération, et qui ne pouvait durer. Au point de vue actuel et immédiat, il faut reconnaître qu’elle n’avait rien fait qui fût de nature à changer subitement cette situation irrégulière en un conflit déclaré. Elle restait plutôt sur la défensive, non cependant sans observer avec une amertume croissante cette série d’actes d’hostilité qui s’accomplissaient à Parana, et qui ne pouvaient qu’enflammer les haines contre Urquiza. Tandis que le chef de la confédération parlait un langage menaçant où se dévoilaient ses desseins, le gouverneur de Buenos-Ayres, M. Alsina, disait de son côté : « Buenos-Àyres n’a point provoqué et ne désire point la guerre, mais elle ne la craint pas. ».Et M. Alsina, lui aussi, se faisait autoriser à disposer de toutes les forces de l’état dans l’intérêt de la défense et de la sûreté du territoire.

La guerre renaissait dès lors invinciblement. Ce qu’il y eut de singulier,