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LES COMMENTAIRES
D’UN SOLDAT

IV.
LA GUERRE D’ITALIE.

I

Entre la campagne de Crimée et la guerre dont je veux parler aujourd’hui, il y a toute la différence d’un hiver russe à un été italien. Autant l’action est lente et se traîne sur un sombre théâtre dans le drame qui se joue devant Sébastopol, autant, dans le drame qui commence à Magenta pour finir à Solferino, l’action est rapide et se promène à travers toutes les natures d’enchantement. En Crimée, le soldat a subi à la même place deux hivers, des maladies sans nombre et le feu d’une bataille démesurée, empourprant éternellement de ses clartés les mêmes horizons ; en Italie, il a traversé pendant une saison éblouissante des villes que pavoisaient les peuples et des champs que pavoisait le printemps. Aussi cette guerre italienne m’apparaît-elle déjà comme une vision ; plus je m’en éloignerai, plus elle prendra pour moi ces formes de rêve. Essayons donc de la peindre pendant qu’elle se balance encore dans la vive lumière des récens souvenirs, et que l’on peut respirer, dans l’air le parfum, déjà bien adouci, des fleurs qu’elle secoue de sa robe ensanglantée avec une profusion si bizarre.