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exposé aux attaques de ces insectes, la figure, toute boursouflée de piqûres, prend bientôt un aspect hideux.

Ces terribles moustiques ne sont pas cependant le fléau le plus redoutable du Volador et des régions qui lui ressemblent. Les garrapatos y sont tellement nombreux qu’ils forment aux plantes comme une autre écorce, et si l’on tombe au milieu d’une de leurs tribus, on est immédiatement couvert de ces animalcules, qui se servent de leurs pattes aiguës comme de vrilles pour s’insinuer dans le corps : inutile de chercher à s’en débarrasser, ils se gorgent de sang avec lenteur, et ce n’est que deux ou trois jours après, quand ils se sont transformés en petites vésicules rouges, qu’ils se détachent d’eux-mêmes. Quant aux gros garrapatos nommés barberos (barbiers, chirurgiens) dans le langage énergique du pays, ils s’enfoncent jusque dans les chairs, et on ne peut les extirper qu’avec la pointe d’un canif. Pendant que le voyageur se débat en vain contre les moustiques et les garrapatos, un autre insecte s’introduit perfidement sous les ongles de ses pieds et s’y creuse une petite retraite : c’est la nigua[1]. Il est rare qu’on s’aperçoive d’abord de l’invasion de cet insecte, mais peu à peu on sent un petit chatouillement suivi bientôt d’une douleur cuisante. L’animal grossit rapidement dans l’intérieur du pied, et au bout de quelques jours il atteint la grosseur d’un pois. Impossible de l’extirper soi-même ; il faut s’adresser à un habitant de la sierra qui ait l’habitude de ce genre d’extraction : il introduit délicatement une aiguille dans le pied, élargit lentement la blessure, et, par de légères pressions, parvient à faire rouler la nigua hors du pied ; si par accident il perce la tendre pellicule de cet insecte, les œufs se répandent aussitôt dans le trou qu’il s’est creusé, et toute une famille de niguas se développe dans les chairs saignantes. Dans certaines parties du Brésil où cet insecte est aussi commun que dans la Sierra-Nevada, ceux qui donnent l’hospitalité aux voyageurs s’agenouillent chaque soir devant eux et examinent leurs pieds pour en extraire les niguas qui auraient pu s’y introduire. Les Aruaques marchent toujours pieds nus ; aussi plusieurs d’entre eux n’ont-ils plus ni ongles, ni doigts de pied : le tout a été dévoré par l’œstrus humanus.

Aux tortures causées par tous ces insectes qui se liguent contre les pauvres voyageurs réfugiés sous le rancho du Volador, il faut encore ajouter le danger d’être piqué ou mordu par des scorpions, des serpens, des araignées mygales, des scolopendres ou mille-pattes, animaux qui atteignent parfois jusqu’à un demi-pied de longueur. Les bêtes de somme sont plus spécialement harcelées par

  1. OEstrus humanus, pulex penetrans ou morsitans.