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en y introduisant des emblèmes, des figures détachées, une foule de petits sujets, jusqu’à des fleurs et des fruits, il créa un genre nouveau qui n’est pas une des moindres preuves de la souplesse de son esprit. Il faut dire que dans ce travail il fut merveilleusement secondé par plusieurs de ses élèves, surtout par Jean d’Udine, et que c’est à l’écolier autant qu’au maître, qui ne fit guère qu’inspirer ces ornemens exquis, que revient l’honneur de ces chefs-d’œuvre de délicatesse et de goût.

Toutefois c’est bien Raphaël qui est le seul auteur des dessins dont il fit décorer le plafond de la galerie du second étage. Les cinquante-deux petits tableaux qui composent cet ensemble ont été peints par ses élèves, à l’exception du premier d’entre eux, Dieu créant le ciel et la terre, qui est de sa main. Ils ont été très souvent gravés. Ils représentent les principales scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, et sont connus sous le nom de Bible de Raphaël. Toute description qu’on en voudrait faire serait à la fois superflue et impossible.

L’esprit est vraiment confondu du nombre, de l’importance, de la variété des travaux que Raphaël projetait, dirigeait ou exécutait lui-même. Michel-Ange, dont le témoignage en pareille matière a sa valeur, « s’émerveillait, nous dit Condivi, de l’ardeur infatigable que le Sanzio mettait à dessiner de mille manières ses compositions avant de les exécuter, à copier les antiques, à esquisser continuellement de nouvelles inventions. » On ne peut se dissimuler cependant que bien des traces de lassitude se remarquent dans quelques parties de ces grands ouvrages. L’esprit de Raphaël était plus intelligent et ingénieux que créateur et spontané. Guidé par un admirable instinct de la beauté qui fut son vrai génie, il comprenait tout, s’assimilait tout, transformait tout en œuvres accomplies ; mais une inspiration personnelle ne vivifie pas, et tant s’en faut, à un égal degré tout ce qu’il a fait. C’est encore Michel-Ange qui le dit : « il devait plus à l’étude qu’à la nature ; » et si on entend par la nature la force innée, une puissance en quelque sorte native, et que le travail n’aurait pas besoin de féconder, ce mot est vrai. La rhétorique n’existe pas seulement en littérature, et c’est le beau académique, le conventionnel, qui lui correspond dans les arts du dessin. Cette transaction entre les manières extrêmes de concevoir et d’exprimer la forme, cette beauté moyenne, sans individualité, sans réalité, sans vie, ce modèle trop connu qui se transmet dans l’école, cette maladie désastreuse qui atteint l’art aussitôt qu’il s’éloigne de sa source, la nature, n’a point épargné Raphaël. Je sais ce qu’on doit à un nom tel que le sien, et de quelle respectueuse absolution il faut couvrir quelques faiblesses en faveur de tant de chefs-d’œuvre ; mais je le demande, à la vue de ses deux figures de la salle de Constantin, de