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des traits les moins remarquables du génie de Raphaël que l’aisance avec laquelle il a su aller des scènes les plus immobiles aux compositions les plus dramatiques, des sujets religieux aux sujets mythologiques, et, tour à tour préoccupé des monumens de l’antiquité et de l’exemple de ses contemporains, se pénétrer de l’esprit de ce qu’il voulait représenter, tout en conservant parfaitement intacte sa propre individualité.

Les premiers tableaux que Raphaël exécuta lors de son arrivée à Rome rappellent ses dernières compositions de Florence. Je ne mentionnerai parmi ces ouvrages de transition que la charmante vierge appartenant à lord Gravagh et que l’on nomme le Raphaël Aldobrandini. La figure gracieuse et élancée de la Vierge, la légèreté de la couleur, l’emploi de l’or dans les ornemens des draperies et dans les auréoles, suffiraient même, si on ne le savait de reste, pour indiquer que ce tableau est contemporain de la Dispute du Saint-Sacrement. Il a encore cette pureté, ce charme virginal, cette fleur d’innocence et de jeunesse, si remarquables dans la Vierge au voile du musée de Paris ; mais une composition plus ample, un dessin très élégant en même temps que très précis, beaucoup de réalité dans les formes, dénotent à quel point la pratique de la grande peinture avait déjà développé et mûri le talent de Raphaël. On a soutenu, et je le comprends jusqu’à un certain point, que Raphaël a plus perdu que gagné en abandonnant les traditions ombriennes et florentines. Quelques-uns de ses admirateurs les plus fervens refusent de reconnaître comme des œuvres dignes du peintre divin les ouvrages qu’il exécuta à Rome ; mais il me paraît cependant de toute évidence qu’il s’est modifié dans le sens naturel de son génie, qu’il est allé de la faiblesse à la force relative, et qu’il a marché du côté que les circonstances et le temps indiquaient.

La Vierge de Foligno, l’un des plus beaux ornemens du musée du Vatican, a été peinte vers 1511, et se place par sa date en tête de ces madones glorieuses dont la Vierge de saint Sixte du musée de Dresde est la dernière et la plus sublime expression. La composition est beaucoup plus importante et plus complète que celle des tableaux du même sujet exécutés à Florence. La Vierge n’est plus cette charmante jeune mère, tendrement inclinée vers les deux beaux enfans, telle que le peintre l’a comprise jusqu’ici. Assise sur les nuages, c’est une reine céleste qui montre au monde son fils divin. Quatre personnages, groupés deux par deux de chaque côté du tableau, représentent l’humanité, qui la prie et qui l’adore. Le donataire, Sigismond Conti, à genoux, est présenté à la Vierge par son patron saint Jérôme. Vis-à-vis, saint François paraît montrer le peuple et solliciter pour lui la bienveillance divine. Saint Jean-Baptiste, debout comme saint Jérôme et lui faisant pendant, montre de la main