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le nez est grand et fin, les lèvres pleines, la mâchoire inférieure avancée ; mais les yeux sont très beaux, bien ouverts, doux et bienveillans ; les cheveux sont bruns comme les yeux, le teint olivâtre et très particulier.

Ses habitudes étaient celles d’un grand seigneur ; il vivait sur un pied d’égalité complète avec les plus illustres personnages de Rome. Sa modestie, dont parlent trop unanimement les contemporains pour qu’elle puisse être mise en doute, n’allait cependant pas jusqu’à le rendre aveugle sur son mérite, ni indifférent à l’immense réputation dont il jouissait. Il écrivait à Simone Ciarla en 1514 : « Vous voyez, très cher oncle, que je fais honneur à vous, à tous nos parens et à ma patrie. Il n’en est pas moins vrai que je garde votre souvenir dans le plus profond de mon cœur, et que lorsque je vous entends nommer, il me semble que j’entends nommer mon père. » Et il ajoute : « Je vous prie d’aller trouver le duc et la duchesse, et de leur dire, ce qu’ils auront du plaisir à apprendre, que l’un de leurs serviteurs leur fait honneur. » Il était un ami et une sorte de frère aîné et de protecteur pour ses élèves plutôt qu’un maître ; il les aidait de sa bourse, de son crédit, de ses conseils, et sut maintenir entre eux, par la seule force de l’affection qu’ils lui portaient, la plus parfaite harmonie. « Bien loin de concevoir le moindre orgueil, dit Calcagnini, il est affable pour tout le monde, prévenant et toujours prêt à écouter les avis et les discours d’autrui, surtout ceux de Fabius de Ravennes, vieillard d’une probité stoïque, mais aussi aimable que savant. Raphaël, qui l’a recueilli et qui l’entretient, a soin de lui comme de son maître ou de son père. Il le consulte en tout et défère toujours à ses conseils. » Sa bienveillance avait désarmé la jalousie ; sa nature douce, aimable, sympathique, lui avait rallié tous les cœurs ; Aussi sa mort causa-t-elle des regrets unanimes et un deuil public. Le peuple de Rome suivit ses restes, comme il devait faire plus tard pour ceux de Michel-Ange, et la foule, si indifférente d’ordinaire aux événemens de cette nature, sentit le coup qui la frappait. Ses amis étaient inconsolables, et Castiglione écrivait à sa mère : « Je suis en bonne santé, mais il me semble que je ne suis pas dans Rome, puisque mon pauvre Raphaël n’y est plus. Que son âme bénie soit au sein de Dieu ! »

Le génie de Raphaël n’est pas de ceux qui s’analysent ou qui se décrivent et s’expliquent d’un mot. On a vu ses œuvres : d’emblée on les a comprises, et on les aime. C’est par une saveur particulière impossible à définir plutôt que par un trait caractéristique et dominant