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faire l’option dans la plénitude de notre libre arbitre et de notre puissance. Du choix qui sera fait dépend le l’établissement de la sécurité ou la continuation de ces perplexités qui sont aujourd’hui encore la maladie chronique, mais qui peuvent à tout moment devenir la maladie aiguë de l’Europe, car ces outres d’Éole que Canning se vantait de tenir sont aujourd’hui en la possession de la France, et tout le monde nous reconnaît le terrible pouvoir de déchaîner les tempêtes.

Le choix est déjà fait, nous répondra M. le ministre d’état, et c’est an effet le sens de ses paroles au concours régional de Tarbes. Le gouvernement est non-seulement pacifique d’intention, mais il a donné un gage de sa préférence par un grand acte, par le traité de commerce avec l’Angleterre et par la nouvelle politique commerciale qui est en voie d’exécution. Les bonnes intentions sont assurément dignes de louanges, mais les plus sincères n’équivalent pas à des garanties positives, et ce sont des garanties positives que demandent les grands intérêts qui sont obligés de faire entrer dans leurs calculs les chances de la politique. La réforme de nos tarifs vaut déjà mieux que de bonnes intentions. C’est un acte, et un acte d’une immense portée ; mais comment se fait-il qu’il n’ait point réussi à convaincre les esprits de la solidité de cette paix et de cette application dominante aux affaires intérieures dont il était l’annonce significative ? C’est que, par le malheur des circonstances ou l’intempestivité des combinaisons qui se sont produites simultanément dans les affaires extérieures, la réforme des tarifs a perdu sa véritable signification, et par conséquent la vertu persuasive qu’elle devait avoir : il semblait qu’elle dût être le principe inspirateur et dominant d’une évolution politique de la France ; les disparates et les contre-temps de la politique extérieure lui ont enlevé ce caractère en venant contredire au début même le système dont on devait croire qu’elle était l’expression.

La réforme commerciale est une des plus grandes œuvres de politique intérieure qui se puissent entreprendre. Non-seulement cette réforme demande du temps, mais le gouvernement et le peuple qui la tentent ont besoin de n’en être point distraits pendant qu’elle s’accomplit. C’est une de ces œuvres qui, pour être bien exécutées, doivent être l’élément dominant d’un système, celui auquel il faut momentanément subordonner autant que possible toutes les autres affaires du pays. Pour mieux dire, il faut faire concourir à l’intérêt que représente cette réforme tous les autres intérêts et tous les autres moyens d’action du gouvernement. La pensée de coordonner les facteurs de la production nationale, de les assembler et de les faire jouer naturellement et librement comme les pièces d’une machine gigantesque, la pensée de mettre en œuvre toutes les forces d’une nation pour lui faire produire son maximum de richesse est assez vaste et assez féconde pour que ceux qui s’en pénètrent avec une véritable intelligence et un sincère dévouement veuillent bien consentir à s’y consacrer de préférence, sinon