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grande page de musique dramatique qui est l’honneur de l’école française. Un triste événement, la mort de M. Girard, chef d’orchestre de l’Opéra et de la Société des Concerts, a fait suspendre et retarder la septième séance. Au huitième concert, qui a eu lieu le 15 avril, on a exécuté pour la seconde fois la symphonie en la de Mendelssohn, dont le scherzo est la partie saillante. On a répété aussi l’andante de la symphonie d’Haydn qui avait été exécutée au sixième concert, fragment précieux où se trouve un solo de violon que M. Allard a joué dans la perfection. La séance a fini par la symphonie en fa de Beethoven. Le neuvième concert a été remarquable par l’exécution chaleureuse de la symphonie en la de Beethoven, par un air de Samson de Haendel, que M. Battaille a chanté avec goût. Quant à la scène du troisième acte d’Armide de Gluck, dont les soli ont été chantés par Mme Barbot et Rey, nous la passerons sous silence. Mme Barbot surtout est bien loin de posséder le style grandiose et l’accent pathétique qu’exige la musique de Gluck. Enfin le dernier concert, qui s’est donné le 29 avril, a été fort remarquable. On a commencé par la symphonie en ut mineur de Beethoven, qui a été exécutée avec un entrain inaccoutumé ; puis est venu un psaume en double chœur de Mendelssohn, d’un fort beau style religieux, et la séance a été close par l’alleluia, chœur final du Messie de Haendel.

La Société des Concerts a eu à traverser cette année une crise qui aurait pu compromettre la durée de cette belle institution. La mort de M. Girard avait laissé vacante la place de chef d’orchestre, et ce triste événement avait éveillé beaucoup d’ambitions dangereuses. M. Girard n’était pas assurément un de ces artistes de premier mérite qu’il fût absolument impossible de remplacer convenablement ; mais c’était un homme d’esprit, qui avait de la tenue dans le caractère, qui savait se faire obéir, et dont le goût, un peu timoré, était nourri d’excellentes traditions. M. Tilmant, artiste modeste qui depuis assez longtemps remplissait les fonctions de sous-chef d’orchestre, fut chargé provisoirement, et jusqu’à la fin de la saison, de conduire l’exécution. Dès le second concert, donné le 4 février 1860, où M. Tilmant a pris l’archet du commandement, le public lui a fait une ovation dont tout le monde a compris la signification. Dans l’intervalle cependant, diverses candidatures se sont produites parmi lesquelles se trouvait M. Berlioz, qui, en faisant cette démarche, a été bien mal conseillé par ses amis. Au dernier concert, donné le 29 avril, le public a renouvelé avec plus d’unanimité sa protestation en faveur de M. Tilmant, qui a été maintenu et nommé définitivement chef d’orchestre à une immense majorité. Ce choix était peut-être le plus raisonnable qu’on pût faire. M. Tilmant fait partie de la société depuis sa fondation, en 1828. Il a l’habitude de conduire, et possède la tradition des mouvemens indiqués par Habeneck pour l’exécution des symphonies de Beethoven, qui forment le grand élément des programmes de ces concerts. M. Tilmant a une autre qualité précieuse qui le distingue de son prédécesseur, M. Girard : il aime la musique, il a de la chaleur, et il prend une part visible au plaisir d’une bonne exécution. L’unanimité à peu près complète des suffrages qu’a obtenue M. Tilmant et la faveur dont le public l’a entouré lui donneront la force de se faire obéir et l’initiative nécessaire au chef d’une grande société d’artistes, trop disposés à s’endormir sur les lauriers du passé. Que la Société des Concerts n’oublie pas que le temps