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point pour sa faute ; elle y aspirait comme à un des moyens d’expiation qui lui étaient encore laissés. Le bruit du loquet n’attira pas l’attention de Tom, assourdi par le bruit de l’eau tourmentée. Lors donc qu’il se retourna, il se trouva tout à coup en face de cette pauvre créature, dont la pâleur effarée, l’air de souffrance et d’abattement confirmaient les plus tristes conjectures qu’il eût pu former.

— Êtes-vous mariée ?… lui demanda-t-il brusquement. Elle ne répondit pas.

— Que venez-vous faire ici ?

— Je viens, dit-elle humblement, y chercher asile auprès de vous.

— Je n’ai pas d’asile pour une femme de votre espèce, reprit-il d’une voix que la rage seule faisait trembler. Vous nous avez tous déshonorés. Vous avez avili le nom de notre père. Vous avez été une malédiction pour tous ceux qui vous ont aimée. Vous avez agi bassement, traîtreusement… Aucune considération n’a pu vous retenir, aucun lien vous rester sacré… Vous ne m’êtes plus rien, sachez-le !…

En ce moment, leur mère à tous deux parut à la porte de la maison. La vue de sa fille, mais surtout les paroles de son fils la clouèrent indécise sur les degrés. Maggie avait repris un peu de courage. — Tom, disait-elle, avant de méjuger, il faut m’entendre. Peut-être ne suis-je pas aussi coupable que vous le pensez…

— Coupable ou non, je ne sais quel sens vous attachez à ce mot, — interrompit-il, passant tout à coup de la colère à une froideur glaciale qui était bien autrement effrayante, — vous ne nierez pas que vous n’ayez engagé avec… qui vous savez… des relations clandestines… Vous ne nierez pas qu’il vous ait vue, sans l’aveu des vôtres, après qu’il vous avait parlé de sentimens que vous deviez repousser avec horreur… Vous ne nierez pas que, seule avec lui, on vous ait vue passer devant Luckreth, et, quelques heures après, débarquer à Mudport… Vous ne nierez pas non plus, je pense, que vous ayez ainsi brisé le cœur d’une parente et d’un ami… Tout cela vous laisse-t-il innocente ?…

Chaque parole de son frère tombait comme un lourd marteau de fer sur la conscience affaissée de Maggie. Elle ne savait plus discerner, dans ces foudroyantes accusations, ce qui était motivé de ce qui était injuste ; elle ne trouvait plus en elle-même ni la force, ni la volonté de s’excuser.

— Eh bien ! frère, disait-elle à mots entrecoupés,… je me repens… Je suis au supplice,… Tout ce qui pourra expier ma faute… Aidez-moi,… préservez-moi de moi-même !… Je lutterai…

— Eh ! qui peut vous préserver ? reprit son frère avec un redoublement d’amertume. Ni la religion n’a d’empire sur vous, ni les sentimens les plus vulgaires de reconnaissance et de loyauté…