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population se composait de vingt-cinq personnes, hommes, femmes et enfans, qui témoignèrent une grande joie à la vue des étrangers. Les femmes et les enfans se précipitaient vers eux en répétant : Pilletay, pilletay (donne-moi) ; les hommes montraient plus de dignité et offraient des échanges. En retour de leurs défenses de narval et de quelques peaux, seuls biens qu’ils eussent à leur disposition, ils demandaient des scies, qui leur servent à tailleries os de baleine avec lesquels ils protègent les flancs de leurs kayaks, et font une espèce de chaussure aux chiens qui tirent leurs traîneaux. Ils ont aussi les limes en grande faveur, parce qu’elles leur servent à convertir en pointes de flèches et en harpons les petits morceaux de fer que les naufrages, les échanges ou la générosité des Européens mettent en leur possession. À eux tous, ces indigènes n’avaient que deux traîneaux, longs de neuf et de quatorze pieds, et faits de planches de chêne provenant d’un ancien naufrage. Ils n’avaient vu personne de l’expédition de Franklin, et ne purent donner à son sujet aucun renseignement ; mais quelques-uns d’entre eux se souvenaient de l’hivernage de Parry à la station d’Ingloolik durant l’hiver de 1822-1823.

La petite population de Kaparoktolik présente un des meilleurs spécimens de la race des Esquimaux : les hommes sont assez grands, en moyenne cinq pieds cinq pouces anglais ; ils sont intelligens et généralement ouverts et affables. On leur mettait dans les mains un crayon et une feuille de papier, et ils essayaient de compléter leurs indications par des représentations graphiques qui n’étaient pas toujours sans utilité. Quatre d’entre eux suivirent dans leurs kayaks les Européens jusqu’à leur vaisseau, emportant des barbes de baleine et des défenses de narval pour les échanger contre des couteaux, des scies, des aiguilles ; il y en avait un qui aurait bien voulu troquer son kayak contre un fusil, mais, comme il n’avait pas d’autre moyen de retourner à son campement, il dut, à son grand regret, s’abstenir de ce marché. Parmi ces sauvages, il y a des amateurs de musique. Quelques années auparavant, un d’entre eux, ayant entendu jouer du violon à un matelot de baleinier, s’était pris de telle passion pour cet instrument qu’en échange il avait offert un poids considérable d’ivoire de narval, qui vaut en Angleterre une demi-couronne la livre. Il tirait de son violon des mélodies étranges, et il était si enchanté de l’affaire qu’il avait faite que pendant plusieurs années, quand le baleinier revenait à la station de Pond’s-Bay, il alla visiter son ami le matelot.

Au bout de quelques jours, le vent était redevenu favorable, le dégel avait fait de grands progrès ; le Fox reprit la direction du détroit de Lancastre, qu’il franchit cette fois avec promptitude. À l’extrémité