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que les biens monastiques sont ordinairement mal exploités, et ce n’est point là que se produiront aux Philippines les perfectionnemens agricoles. L’organisation territoriale est donc très imparfaite, et, comme il n’y a point d’impôt foncier, l’indigène ne cultive guère au-delà de ses besoins. Ce ne sont point cependant les lois ni les règlemens qui manquent pour encourager le travail des Tagals. Le code indien recommande de planter les arbres appropriés à la nature du sol, de semer, suivant les localités, le riz, le blé, le maïs, le coton, d’entretenir du bétail, d’avoir au moins douze poules et un coq, etc. L’indigène qui négligera pendant deux ans ces sages prescriptions sera dépossédé, et son domaine passera à d’autres. Ne s’est-il pas trouvé, il y a quelques années à peine, un gouverneur qui a imaginé d’imposer aux capitaines des navires venant de Chine ou de l’Inde anglaise l’obligation d’apporter cinq cents oiseaux vivans destinés à être lâchés sur les plaines de Luçon pour détruire les insectes qui dévoraient les récoltes ! Sir John Bowring cite le décret. Il n’est pas besoin de dire que cette législation, ces règlemens si détaillés, si minutieux et parfois si ridicules, demeurent lettre morte. La mise en valeur des îles Philippines réclame des mesures d’un ordre plus général. Il serait dangereux de modifier le régime des biens du clergé et de mécontenter les couvens, mais on pourrait déterminer d’une manière plus précise le droit de propriété pour les indigènes, faciliter la vente des domaines et accorder largement aux étrangers la faculté d’acquérir des terres. En outre, comme la propriété n’a de prix que si elle peut être aisément exploitée, on devrait améliorer ou plutôt créer le système des voies de communication de manière à assurer le transport des récoltes aux points d’embarquement. Peut-être dans les premiers temps la concurrence des Européens et des Chinois viendrait-elle déranger les habitudes des Tagals, qui se verraient ou privés de leurs terres ou obligés de les cultiver ; mais la population métisse ne tarderait pas à comprendre les avantages de cette réforme agricole, et elle entraînerait le reste. Que l’on attire les capitaux, que l’on organise la circulation des produits : les bras, désormais rémunérés, finiront par se mettre au travail. Ces procédés, que recommande avec raison sir John Bowring, relèveraient bientôt les Philippines au niveau des plus riches colonies.

Il n’est pas douteux que ces améliorations intérieures, en consolidant la propriété et en multipliant les produits, profiteraient largement au commerce de l’archipel. L’histoire du régime commercial aux Philippines est réellement édifiante. Sans remonter aux premiers temps de la conquête, où la colonie n’entretenait de rapports qu’avec la Nouvelle-Espagne, au moyen du fameux galion d’Acapulco, nous ne voyons, pendant le cours des XVIIe et XVIIIe siècles,