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calvinistes, anabaptistes, fournirent pendant longtemps de sanglantes offrandes aux hécatombes de l’inquisition espagnole, qui se distingua en Hollande par les plus infernales cruautés. Il se commit alors des horreurs que la science historique contemporaine, armée de nouveaux documens et d’une critique supérieure, n’a rendues que plus hideuses, à l’inverse de tant de monstruosités fameuses dont elle a si souvent réduit les proportions traditionnelles. Cependant on vit se former peu à peu une majorité calviniste. L’anabaptisme se suicida par des excès qui firent peur aux populations et à leurs chefs de toute religion. La doctrine de Zwingli avait trop de ressemblance avec celle de Calvin pour que leurs partisans ne fissent pas cause commune, et ce fut définitivement le type calviniste qui domina dans la réforme hollandaise. Les nombreux émigrés wallons et flamands qui avaient reçu le protestantisme de France, et qui contribuèrent beaucoup à organiser les églises protestantes dans les provinces du nord, les formes démocratiques de l’église genevoise, l’influence du Taciturne et de son héroïque ami Marnix de Sainte-Aldegonde, peuvent expliquer en partie cette prédominance ; mais peut-être en faut-il chercher la cause principale dans le fait peu remarqué par les historiens, et pourtant très remarquable, que le calvinisme, c’est-à-dire la forme française du protestantisme primitif, fut généralement considéré, au XVIe siècle, comme la réforme définitive et achevée. Il semblait que le grand mouvement protestant de cette époque eût trouvé dans cette hautaine formule son repos et l’expression la plus conforme à son essence. Le luthéranisme n’a guère dépassé l’Allemagne, tandis que le calvinisme s’est implanté en Suisse, en France, en Hollande, en Angleterre, en Écosse, en Hongrie, dans plusieurs parties de l’Allemagne elle-même, où il gagna presque Mélanchthon et ses amis. Ce système, radical pour le temps, d’une grande rigueur logique, fascina les esprits, et ce qui prouve qu’il répondit le mieux aux ardentes aspirations de l’époque, c’est que partout où la réforme dut conquérir son droit à l’existence par le martyre et la lutte acharnée, ce fut le levain calviniste qui se montra le plus indomptable. Élaboré au milieu de persécutions terribles, à la lueur des bûchers de François Ier, sombre comme le temps de sa naissance, remettant tout au décret incompréhensible de Dieu, et puisant une joie austère dans ce sentiment même de dépendance absolue, le calvinisme fut tout naturellement la doctrine préférée des persécutés. Il semblait fait exprès pour eux ; on put le voir en Hollande comme ailleurs. C’étaient des calvinistes que ces gueux de Zélande qui écrivirent sur leurs chapeaux de marins : Plutôt Turcs que papistes, et replantèrent sur leurs dunes le drapeau de la liberté nationale, qui n’osait plus