Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générale des idées religieuses. Là encore les rapports les plus fraternels ont remplacé les anciennes haines, et telle est la cause principale du petit nombre auquel sont réduits les remonslrans. Beaucoup d’entre eux, venant à se fixer dans les localités où il n’y a pas de communauté remonstrante, rentrent de plain-pied dans l’église réformée, bien différente de ce qu’elle était autrefois. Ceux qui se séparent d’elle aujourd’hui sont précisément des calvinistes attardés qui ne comprennent pas et ne peuvent souffrir ce libéralisme dogmatique. Du reste, ce schisme, presque exclusivement borné en Hollande aux classes inférieures, est sans influence sur le mouvement général de l’église, et surtout de la science religieuse. En effet le temps, ce grand logicien qui déroule les conséquences des principes en dépit de toutes les compressions artificielles, apprit généralement aux protestans que s’ils voulaient rester constitués en grands corps d’église, c’était à la condition d’établir un régime de large tolérance en matière de doctrines. De plus en plus, ils en vinrent à comprendre que, dans l’œuvre de la réforme au XVIe siècle, il fallait soigneusement distinguer les points fondamentaux des accessoires et les principes permanens des applications particulières aux temps, aux lieux et aux hommes. Sans rompre formellement avec les confessions de foi primitives, les regardant toujours comme le point de départ de la pensée protestante, ils sentirent que le maintien rigoureux de ces confessions serait la négation formelle de cet individualisme qui fait la sève et la force de la réforme. Cherchant l’unité de l’église moins dans le dogme, sur lequel on diffère toujours, que dans la vie chrétienne, fondée sur la communion d’esprit avec le Christ, ils atteignirent peu à peu le terrain où la libre recherche peut se concilier avec la vie religieuse, et l’épuration continue de la tradition ecclésiastique avec l’attachement dévoué à l’église.

Un rapprochement emprunté à la politique éclaircira notre pensée. Certes la constitution anglaise d’aujourd’hui ne ressemble guère à la magna charta de 1215. Sous sa forme actuelle, cette constitution, on le sait, n’est systématisée officiellement nulle part. Elle vit de son développement même. Toutefois il n’est pas difficile de montrer, comme l’a fait l’illustre Macaulay, que l’extension majestueuse qu’elle possède de nos jours était contenue en germe dans les principes posés par les communes et les barons de Jean-sans-Terre. Autant qu’on peut comparer les choses religieuses aux choses profanes, il se passe quelque chose de très analogue dans la marche des églises protestantes. On peut dire qu’elles ont toujours eu, qu’elles auront toujours leur droite et leur gauche, le parti de la résistance et celui du mouvement ; seulement elles comprennent aujourd’hui beaucoup mieux qu’autrefois cette nécessité. La droite serre toujours au plus