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de la vie corporelle. Le péché est le manque, l’imperfection de la vie spirituelle, et par conséquent le vrai malheur, puisque le bonheur, pour tout être vivant, ne peut être que le déploiement de sa vie et la réalisation de sa destinée. Le péché est donc à la fois ce qui ne doit pas être et l’état intermédiaire qui sépare l’état d’innocence de l’état de sainteté. Ici M. Scholten revient sur le terrain favori des vieux docteurs réformés, et se déclare nettement en faveur du déterminisme moral : il regarde le libre arbitre indifférent comme une chimère. Ajoutons toutefois qu’il s’efforce d’éviter recueil du fatalisme en disant que l’homme, en vertu du pouvoir de réflexion dont il est doué, peut suspendre sa décision et se mettre sous l’influence des bons mobiles ; mais la vraie liberté, selon lui, consiste dans l’affranchissement complet de toute espèce de mal moral. Telle est la destinée en vue de laquelle Dieu a créé l’homme, et il faudra bien que l’homme y arrive tôt ou tard, sans quoi le Créateur serait vaincu par sa créature. L’idée calviniste de l’assurance du salut revient ainsi sous un jour tout nouveau et débarrassée des épouvantables ténèbres de l’enfer éternel. D’autre part, l’expérience, qui nous apprend qu’il est d’autant plus douloureux d’arriver à la vie sainte qu’on s’est attardé plus longtemps dans l’égoïsme et la sensualité, doit compter parmi les mobiles qui poussent l’homme à profiter des dispensations divines dont l’histoire est le théâtre et dont le Christ est le centre.

M. Scholten pense en effet que le Christ est sorti des entrailles mêmes de notre race, qui doit nécessairement, de même que les individus qui la composent, arriver à la fin qui lui est prescrite. Dans le Christ est réalisée la religion idéale, le don entier de soi-même à Dieu et aux hommes. Dans le Christ, révélateur de Dieu par la pureté immaculée de son cœur, la lumière qui éclaire tout homme venant au monde a resplendi d’un éclat incomparable, et dès lors aussi l’homme a lu clairement le mot que la nature et sa conscience ne lui avaient pas encore dit, ou qu’il n’osait y déchiffrer : Dieu est amour. Conformément aux lois qui président à la solidarité des esprits, du Christ émane une force régénératrice, une puissance de lumière et de vie qui depuis sa venue agit dans l’humanité comme un levain, dissipant les superstitions, réformant insensiblement les institutions sociales, amenant les hommes à toujours mieux comprendre leurs devoirs et leur vrai bonheur, jusqu’au moment où, selon sa parole, la pâte sera toute levée. Le Christ est ainsi la démonstration vivante de notre destinée divine, car il a possédé déjà sur la terre la vie éternelle, et a pu la promettre à tous ses frères. Il faut donc vivre en communion morale avec lui, et appliquer les principes tirés de cette source pure aux travaux de tout genre, brillans