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grain de raisin aura pu voir qu’il est superficiellement recouvert d’une légère couche d’efflorescence blanchâtre, sorte de cire floconneuse qui le protège contre l’action directe de l’humidité atmosphérique. En s’aidant de la loupe ou mieux du microscope, on distingue par l’analyse dans la mince pellicule épidermique plusieurs substances grasses, cireuses, minérales et azotées injectant la membrane de cellulose douée d’une forte agrégation[1]. Cette structure et cette composition spéciale rentrent dans une des lois générales qui président au développement des végétaux, et qui donnent à l’épiderme recouvrant toutes leurs parties la propriété de résister à la plupart des agens météoriques. Immédiatement sous l’épiderme du grain de raisin, on trouve un tissu adhérent qui renferme la matière colorante[2] ; ce tissu contient aussi des essences odorantes, du tanin, des substances azotées, des sels à base alcaline et magnésienne. Sous le tissu spécial que nous venons de décrire se trouve enfin toute la masse interne du fruit, formée d’un tissu cellulaire, sorte de pulpe contenant le suc presque incolore[3]. Cette pulpe est traversée par des vaisseaux déliés qui se rattachent aux pépins et leur portent, de même qu’aux différentes parties du raisin, des liquides séveux[4].

Le jus se trouve donc renfermé dans les cellules à minces parois de toute la masse pulpeuse ; c’est ce jus sucré qui s’écoule

  1. La cellulose est une substance plastique qui, sécrétée pendant le cours de la végétation, forme la base organique des cellules, vaisseaux, fibres allongées, et constitue ainsi les parties élémentaires de tout l’édifice végétal. Sous les formes filamenteuses des fibres textiles du chanvre, du lin, de l’urtica nivea, du coton poils de la graine du cotonnier, la cellulose constitue l’élément presque unique de la fabrication des fils, des tissus de toiles et des différens papiers. Un exemple entre mille prouvera l’utilité de cette substance. En ce moment, par suite de l’énorme développement des écrits, des impressions de livres et journaux, de la fabrication des papiers peints, les papeteries manquent à tel point de matière première que le commerce des chiffons se trouve au rang des graves questions internationales.
  2. Dans tous les raisins, la matière colorante se compose d’une substance brune et d’une autre jaunâtre ; dans le raisin noir, on trouve en outre des principes colorans rouge et bleu, dont le mélange, suivant que l’un ou l’autre domine, produit les diverses nuances de violet tournant au rouge ou au bleu sombre qui caractérisent les nombreuses variétés de raisins et de vins rouges.
  3. Quelques variétés seulement contiennent, jusque dans toute la masse de la pulpe charnue du fruit, des matières colorantes offrant une nuance violette foncée. Ces sortes de vignes ne sont en général cultivées qu’exceptionnellement, et les raisins dits teinturiers qu’elles produisent sont destinés à la préparation des vins de couleur intense qu’on emploie pour rehausser la teinte des vins trop pâles.
  4. Les pépins, sorte de noyau renfermant l’amande et le germe de la graine, se caractérisent par une structure serrée, presque ligneuse, que j’ai décrite avec M. de Mirbel vol. XXX et XXII des Mémoires de l’Académie des Sciences. Dans les pépins de raisin, les principes les plus abondans, outre la cellulose et le ligneux, sont le tanin ou acide tanique, qui dans les vins soumis au cuvage s’ajoute au tanin des enveloppes du raisin, et une huile grasse de la nature de celles que toutes les graines renferment. Cette huile, propre à l’éclairage et à la fabrication du savon, peut en être parfois extraite économiquement dans la proportion de 10 à 12 pour 100, lorsqu’on ne préfère pas employer les pépins à la nourriture des poules, des faisans, ce qui utilise en outre les substances azotées également contenues dans les pépins.