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fois que le ciel sans nuages occasionnerait, par un rayonnement libre, une congélation plus ou moins forte dans ces organismes délicats. Dans plusieurs des vignobles à raisins de table non moins renommés de Thomery, notamment chez M. Rose Charmeux, l’un des grands propriétaires et des plus habiles horticulteurs de la contrée, on obtient des résultats également favorables contre les gelées et les pluies, même dans les treilles en contre-espaliers[1], à l’aide de bandes de paillassons, larges de 50 à 60 centimètres, disposées comme une sorte de toiture à une seule pente, de 45 degrés environ ; au-dessus, des cordons de vigne suivent toute la longueur de ces contre-espaliers[2]. Des moyens permanens plus simples encore, et assez généralement efficaces, consistent dans une disposition particulière du sommet ou chaperon des murs. Il suffit effectivement de recouvrir ces chaperons avec des tuiles dites faîtières et plates, en donnant à une partie de ces dernières une saillie de 15 ou 16 centimètres, et la pente suffisante pour faciliter l’écoulement des eaux pluviales. On évite du moins ainsi des soins sur lesquels on peut rarement compter dans la plupart des jardins d’agrément, et l’on protège les murs eux-mêmes contre les détériorations spontanées des neiges et des eaux pluviales : la saillie des tuiles suffit la plupart du temps pour protéger aussi les fleurs et les fruits contre le rayonnement et les pluies.

On peut enfin combattre efficacement les effets des gelées printanières au moyen de légères et très économiques toiles d’emballage ou de tenture attachées avec des fils devant les espaliers. De semblables abris en toile s’appliquent avec le plus grand succès à la conservation du raisin sur les treilles durant presque tout l’hiver, pendant plusieurs semaines du moins après la chute des feuilles, lors même qu’il survient quelques gelées légères. Des précautions plus sûres, mais aussi plus dispendieuses, sont mises en usage tous les ans pour conserver les raisins de la magnifique tribu des chasselas dorés. Sur l’immense treille de Fontainebleau, vers la fin de septembre, des bâtis mobiles en bois, appliqués contre la muraille, reçoivent des traverses cylindriques sur lesquelles s’enroulent des toiles que l’on fait descendre ou remonter comme des stores, afin de procéder à volonté au nettoyage ou à la cueille des grappes, tout en maintenant les toiles baissées pendant les intervalles de temps qui séparent ces manipulations. Les horticulteurs de Thomery ont

  1. On nomme contre-espaliers des treilles parallèles aux mars en espaliers établies à 2 mètres ou 2 mètres 1/2 de distance en avant de ces murs. Ces treilles sont formées de poteaux et treillages en bois ou cordons horizontaux en fil de fer.
  2. Ces sortes d’abris sont fabriqués en grand dans la belle usine fondée depuis deux ans par M. J. Guyot à Clichy, près de Paris.