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sans grande dépense de force humaine, ce que le malheureux paysan n’obtenait autrefois qu’au prix de pénibles efforts, en mêlant ses sueurs aux sueurs de ses bœufs.

Inventer ou modifier une machine, c’est-à-dire combiner des moyens mécaniques de produire un résultat cherché, n’est pas chose difficile. Il n’y a toutefois d’utile, de pratique que la machine qui produit ce résultat économiquement, et pour la construction de laquelle on a employé des matières de bonne qualité, si bien assemblées que le jeu des organes soit doux et que l’usure soit lente. Il serait inexact de qualifier de sage tout ce qu’on a vu exposé au concours de 1860 : on rencontre en effet dans toute exposition un certain nombre de nouveautés dont l’importance, grande aux yeux de l’inventeur, est jugée par le public d’une manière différente. Néanmoins nous avons la satisfaction de reconnaître que les progrès réalisés par la plupart de nos constructeurs permettent aujourd’hui de faire en France des machines agricoles assez bien construites pour lutter sans désavantage aucun, comme action et solidité, contre les machines anglaises les plus compliquées. Restent seules les questions de bon marché des matières premières et de fabrication sur une grande échelle, c’est-à-dire les questions de liberté commerciale et d’organisation industrielle : ce que nous avons aussi obtenu depuis quelque temps sous ce double rapport prouve d’avance que l’avenir les résoudra conformément à la justice et aux vrais intérêts du pays.

Nos expositions et nos grands concours, dont le premier remonte à 1850, ont puissamment contribué à la diffusion des instrumens perfectionnés. Ce progrès a été favorisé encore par les concours régionaux et les fêtes de nos pauvres comices, dont l’éclat est plus modeste, mais dont l’utilité n’est pas moindre, parce qu’ils mettent le bon exemple à la portée d’une masse de cultivateurs qui n’iraient jamais le chercher loin. Matthieu de Dombasle, ce grand agronome dont on ne parle plus assez, serait surpris non moins qu’heureux, si, revenant au monde, il trouvait appliqués chez nos simples charrons de village les meilleurs procédés de la fabrication. Qu’on ne s’exagère pas toutefois la portée de ce mouvement. On a fini par inventer pour l’industrie manufacturière des machines à tricoter et à sculpter ; finira-t-on par combiner pour l’industrie de la terre des machines qui remplaceront avec avantage en toute occasion la main des hommes ? Évidemment non. Certains travaux des champs ne se prêtent pas à l’application des machines. On peut faire mécaniquement un lien de paille, mais on ne peut pas engerber mécaniquement dans ce lien les épis de blé qu’a fait tomber le moissonneur ; on peut semer mécaniquement des féveroles, on ne peut pas les écimer mécaniquement. Plusieurs travaux s’accomplissent