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zéro à l’aréomètre[1]. Trois procédés sont en usage pour décuver, c’est-à-dire soutirer le vin en laissant le marc dans la cuve : le plus simple consiste à enfoncer au travers du chapeau un panier dans lequel un ouvrier puise le vin et le verse par-dessus les bords sur une bavette en tôle ou en bois inclinée vers une plus petite cuve ou balonge. Ailleurs on écarte des parois le chapeau à l’aide d’une claie, puis un siphon introduit dans le liquide permet de le faire écouler au dehors. La manœuvre est plus facile encore lorsque l’on a préalablement adapté un gros robinet près du fond de la cuve et fixé devant l’ouverture intérieure de ce tube une grille ou plaque percée de trous ou même un petit fagot de sarmens qui arrêtent au passage les rafles, pellicules ou pépins susceptibles d’engorger le robinet. Ce dernier moyen est le seul que l’on puisse employer lorsque la première fermentation du raisin ou le cuvage s’opère dans des cuves closes, des citernes voûtées, ou des foudres, énormes tonneaux primitivement construits en Allemagne.

Dès que le marc est bien égoutté, on se hâte de le porter au pressoir, afin d’en faire écouler le plus rapidement possible le vin qu’on en peut extraire, et d’éviter ainsi les altérations spontanées qui ne tarderaient guère à s’y manifester. Les presses naguère encore en usage dans la plupart des vignobles fonctionnaient au moyen de vis en bois d’orme dont les cannelures en hélice étaient constamment lubréfiées avec du savon vert. Malgré la bonne qualité du bois, les variations occasionnées par les alternatives de la sécheresse, qui le contractait, et de l’humidité, qui le faisait gonfler, laissaient trop d’intervalles entre l’écrou et la vis ou resserraient trop fortement l’espace : tantôt les cannelures étaient brisées partiellement, tantôt on ne pouvait que très difficilement faire tourner la vis. Généralement aujourd’hui, en Bourgogne comme en Champagne, et d’année en année dans le midi, les vis en bois sont remplacées par des vis en fer, beaucoup plus résistantes, plus faciles à mouvoir, et d’un effet plus puissant. Au bout d’une heure, le marc soumis à la pression ne laissant plus guère écouler de liquide, on desserre la vis pour étendre sous la presse les portions latérales du bloc de marc, moins complètement exprimées que les parties centrales. Le marc subit durant trois heures une deuxième pression, plus énergique, qui en

  1. Chacun sait que la plupart des vins de table sont plus légers que l’eau, puisqu’ils y surnagent lorsqu’on les a versés très doucement. Le jus du raisin est au contraire plus lourd que l’eau en raison du sucre qu’il renferme. On conçoit sans peine que le sucre, en se transformant en alcool, comparativement très léger, allège de plus en plus le liquide devenu vineux. C’est au moment où, la densité du vin étant égale à celle de l’eau, l’aréomètre ou œnomètre y descend à 0°, que plusieurs œnologues conseillent de procéder au décuvage.