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dans le cas d’une rupture avec la France par exemple, elle u’aurait pas d’alliée plus précieuse comme puissance militaire continentale que la Prusse elle-même, leur ennemie. La Russie, en échange de sa protection déclarée, exigerait, à ce qu’ils pensent, le retour vers l’absolutisme, et peut-être même à ce prix ne risquerait-elle pas une guerre compromettante pour les intérêts d’un si petit état. La doctrine de l’ancienne politique de soutenir généreusement les médiocres puissances ne leur parait plus jouir d’un grand crédit au milieu des transformations actuelles, et ils se disent avec inquiétude qu’une annexion du Danemark à l’Allemagne, qui amènerait probablement une scission entre les deux moitiés septentrionale et méridionale du corps germanique, cette seconde moitié voulant former contre-poids, pourrait bien après tout n’être pas mal vue d’une politique européenne devenue fantasque et aventureuse.

De telles craintes sont extrêmes assurément, et la seule issue qui se présente aux yeux des Danois n’est point si peu rassurante qu’ils ne doivent reprendre courage et bon espoir. Un principe surnage au milieu des alertes de la diplomatie, celui du respect des nationalités. Au nom de ce principe, et s’il veut l’invoquer résolument, le Danemark aura d’abord les sympathies déclarées du peuple anglais, qui entraîneront le cabinet de Londres ; il aura probablement ensuite l’assentiment du gouvernement français, à la politique duquel ce principe ne paraîtrait pas devoir déplaire. Néanmoins, pour qu’il acquière le droit d’invoquer du secours à ce titre, il faut nécessairement qu’il se rapproche des autres membres de la famille scandinave le plus étroitement possible, afin que l’Europe sache bien qu’elle a affaire, non pas à une réunion éphémère d’élémens opposés qui se sépareront d’un moment à l’autre, mais à un groupe homogène qu’il vaut la peine de fortifier et de compter dans la balance. Il ne suffit donc pas que de temps en temps, quand le péril se fait plus imminent du côté de l’Allemagne ou du côté de la Russie, les trois états scandinaves fassent un traité en commun, sauf à le rompre et à se séparer après le danger. Une alliance intime et durable est absolument nécessaire, tout au moins un rapprochement comme celui de la Norvège et de la Suède, qui, s’il est sujet pour les deux états à quelques difficultés intérieures, offre au dehors une union compacte.

L’alliance que nous souhaitons peut-elle exister, peut-elle naître sans l’unité dynastique ? Oui, à trois conditions : c’est que le souverain du Danemark n’ait personnellement ni alliances ni sympathies contraires à celles dont s’inspirent et la partie purement danoise de ses peuples et tout le reste de la nationalité scandinave, qu’il soit en état d’imposer à son cabinet les sentimens dont il serait animé ; c’est enfin que le gouvernement danois ne soit plus courbé sous la nécessité déplorable de rester à moitié allemand et à moitié