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que de Santiago ; mais celui-ci délégua ses pouvoirs à deux conseillers du saint-office. C’étaient deux créatures de Valdès ; l’un de ces conseillers, le docteur Diego de Simancas, évêque de Zamora, était l’ennemi particulier de Carranza.

Avant de quitter les Pays-Bas pour aller prendre possession de son siège, l’archevêque de Tolède avait publié à Anvers, en 1558, une exposition de la doctrine chrétienne sous le titre de Commentaires sur le Catéchisme, et il l’avait dédiée à Philippe II. Malgré l’approbation donnée à cet ouvrage par des théologiens autorisés et par une commission du concile de Trente, l’inquisition le mit à l’index comme entaché d’hérésie : c’était déclarer l’auteur hérétique et condamner du même coup les approbateurs de son livre. Telle était la crainte qu’inspirait le saint-office, que l’on vit les mêmes théologiens qui avaient appuyé le catéchisme retirer leur approbation et confesser leur erreur. Cette soumission empressée ne put entièrement les sauver de la persécution, et la plupart eurent à subir des pénitences humiliantes. Dans cette lutte entre l’inquisition et l’épiscopat, les évêques faiblirent, et ne firent rien pour maintenir les droits de leur autorité, violés en la personne du primât des Espagnes. Celui-ci languissait dans les cachots de Valladolid, lorsque le concile de Trente, outré de l’audace des inquisiteurs, pressa le pape de remontrer au roi d’Espagne l’iniquité d’un pareil procédé. Pie IV résolut d’évoquer la cause devant un autre tribunal, et transmit des ordres précis au nonce apostolique ; mais Philippe II, jaloux de maintenir les privilèges de l’inquisition, obtint que le procès de l’archevêque ne serait point jugé hors de l’Espagne. Pie IV nomma trois juges, dont un avec le titre de légats a latere, pour instruire l’affaire sans délai. Les inquisiteurs, qui n’auguraient rien de bon d’un arrêt rendu par ces juges, leur suscitèrent des obstacles infinis, si bien que le procès traîna en longueur. Le pape mourut en 1566. Son successeur, Pie V, était un homme d’un caractère énergique, et de plus un dominicain. À peine monté sur le trône pontifical, il évoqua la cause devant la cour de Rome. Philippe II, poussé par ses conseillers, déclara au nonce apostolique ; dans une conférence particulière, que Carranza serait jugé en Espagne et non ailleurs, ou bien qu’il finirait ses jours en prison en attendant la fin de son procès. Le pape insista et menaça Philippe d’excommunication, en même temps qu’il réclamait la destitution de Valdès. Le roi céda, sans toutefois destituer l’inquisiteur. Le 27 avril 1567, Carranza partit de Carthagène V débarqua à Civita-Vecchia le 29 mai, et fut aussitôt conduit à Rome. On lui donna pour prison les appartemens du vieux palais des papes dans le château Saint-Ange. Pie V était indigné contre les inquisiteurs espagnols, et il le témoignait en toute occasion à ceux qui avaient accompagné l’accusé. Ses