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pas faites pour s’ouvrir. L’état des murs, des châssis, des planchers, atteste l’incurie des propriétaires. Les cheminées, quand il y en a, sont hors de service ; c’est toujours sur un poêle de fonte qu’on prépare les alimens de la famille. Ici, comme dans les caves, on est frappé du petit nombre des lits ; il est rare que le même ménage en ait deux. La charité, qui est très active à Lille, distribue beaucoup d’objets de literie. L’aumône annuelle de l’administration du cercle lillois consiste en lits de fer ; le bureau de bienfaisance en a donné 3,500 en quatre ans. Les familles qui les reçoivent ne les utilisent pas toujours ; quelquefois elles les vendent, très souvent elles sont obligées d’y renoncer à cause de l’insuffisance du local.

Il n’y a pas de grandes différences entre les courettes de Lille, les forts de Roubaix, les couverts de Saint-Quentin : partout le même entassement de personnes, la même insalubrité. À Roubaix, où la ville est ouverte, l’espace ne manque pas. Tout est neuf, puisque la ville vient de sortir de terre. On n’a pas, comme à Lille, la double excuse d’une ville fortifiée où l’espace est circonscrit, où l’on ne peut abattre que pour rebâtir. De plus, les logemens ne suffisent plus au nombre toujours croissant des ouvriers, ce qui est pour les propriétaires une garantie contre les non-valeurs. Tout récemment un manufacturier qui manquait de bras embaucha à grand’peine quelques ouvrières à Lille ; il les paya bien, leur donna un travail avantageux dans un atelier très supérieur, pour les conditions hygiéniques, à celui qu’elles quittaient ; cependant, arrivées le samedi, elles réclamèrent leurs livrets le jeudi : elles n’avaient pas trouvé à se loger, et avaient passé ces quatre jours sous une porte cochère. Affluence de locataires, abondance de terrains, dans de telles conditions, n’est-il pas inexplicable que les logemens d’ouvriers soient aussi mauvais et aussi chers à Roubaix qu’à Lille ? Les anciens forts, c’est le nom des courettes de Roubaix, sont placés à plusieurs kilomètres des filatures. Ils n’en sont pas plus sains pour cela, parce que les maisons sont mal construites, serrées les unes contre les autres. Les terrains qui séparent les rangées de maisons ne sont pas même nivelés. Dans plusieurs forts, il n’y a pas de ruisseaux pour l’écoulement des eaux ménagères : elles croupissent dans des puits sans fin jusqu’à ce que le soleil les dessèche. Au fort Frasé, qui contient cent maisons, il y a beaucoup de terrain perdu ; rien ne serait plus facile que de transformer ces déserts en places plantées d’arbres, en jardinets, ce qui embellirait et assainirait en même temps les logemens. On ne paraît pas y songer. Voici, au hasard, la description de quelques logemens. Dans le fort Wattel, un logement au premier ; on monte par une échelle et une trappe sans porte. Superficie, 2 mètres 50 centimètres sur 3 mètres ; une seule fenêtre étroite et basse ; les murailles ne